Chronique

Gérard Régnier

Django Reinhardt

Un musicien tsigane dans l’Europe nazie

Label / Distribution : Harmattan

Spécialiste du sujet, Gérard Régnier continue de creuser et de chercher pour mettre en lumière l’histoire du jazz sous l’Occupation en France et en Belgique notamment.
Son analyse fait foi et ses livres sont primés et reconnus. Aussi, lorsqu’il s’attaque à un monument national comme peut l’être Django Reinhardt, on sait que les mots seront pesés, les théories consolidées et que rien ne prêtera le flanc à la critique.

En effet, le musicien tzigane a traversé la guerre en jouant avec beaucoup de succès sur toutes les scènes qui voulaient le programmer. A l’instar de Maurice Chevalier ou Charles Trenet, la guerre et l’occupation par l’armée allemande et les milices nazis n’ont pas empêché ces artistes de travailler.
Alors, Django est-il un « collabo » ?
C’est sur cette question que travaille Gérard Régnier et la plongée dans la période est fascinante. D’abord avec la contextualisation globale : la position des autorités nazies sur le jazz, la situation des musicien.ne.s européen.ne.s vis-à-vis du travail obligatoire, la vie nocturne des capitales européennes, etc.
Ensuite, en suivant pas à pas la carrière personnelle et professionnelle de Django, entre 1939 et 1946 environ.

Django Reinhardt en compagnie du lieutenant Dietrich Schulze-Koehn (Luftwaffe) devant la brasserie de la Cigale à Paris

Les éléments présentés sont troublants et méritent un recul important. Difficile de comprendre en 2021 ce qu’il était possible de faire sans compromission dans une Europe occupée. Même la tentative infructueuse de passage en Suisse semble aussi désespérée qu’intrigante : si Django avait autant d’appuis parmi les autorités, pourquoi aller se cacher en Suisse ? Tout questionne et Gérard Régnier n’apporte pas de réponses, il se contente de présenter des faits étayés.
D’ailleurs, il précise aussi que nombre de ses interrogations concernant cette période de la vie de Django ont été envoyées à différents organismes concernés par le sujet et sont restées sans réponse…
Ce livre est écrit comme une enquête historique, sans passion, sans parti pris et éclaire objectivement les faits, sans fausse pudeur. Un travail remarquable.