Scènes

Django, un génie en toutes lettres

Présentée à la Cité de la Musique de Paris jusqu’au 23 janvier 2013, une exposition plonge dans l’univers du célèbre guitariste manouche. De son enfance tzigane aux nuits de Saint-Germain-des-Prés, en passant par les bals musette et le Quintette du Hot Club de France, plus de 800 objets retracent son étonnant parcours.


Présentée à la Cité de la Musique de Paris jusqu’au 23 janvier 2013, une exposition plonge dans l’univers du célèbre guitariste manouche. De son enfance tzigane aux nuits de Saint-Germain-des-Prés, en passant par les bals musette et le Quintette du Hot Club de France, plus de 800 objets retracent son étonnant parcours.

Dancing : Au début des années 30, Django est engagé au dancing du Palm Beach de Cannes avec l’orchestre de Louis Vola. Il vient de faire une rencontre déterminante : le peintre Emile Savitry lui fera bientôt découvrir le jazz.
A voir : une photo, prise par Louis Vola en 1933, représentant Django adossé à une voiture devant le Palm Beach.

Jazz manouche : Gravement brûlé lors de l’incendie de sa roulotte en 1928, Django perd l’usage de deux doigts de la main gauche. Influencé par le jazz, qu’il découvre à l’époque, il va surmonter son handicap en développant son propre style à la guitare. C’est la naissance du jazz manouche.
A voir : le registre d’admission de l’hôpital Lariboisière, à Paris, où il est soigné.

Amérique : A la Libération, il renoue avec les jazzmen américains, sous l’uniforme des GI. En 1946, il participe à la tournée de Duke Ellington aux Etats-Unis. Parti sans instrument, il découvre là-bas la guitare électrique.
A voir : un film montrant l’orchestre de Django au bal Tabarin en 1944. Dans le public, on aperçoit Marlene Dietrich.

Nuages : Sa plus célèbre composition, qu’il enregistre en 1940 avec le Quintette du Hot Club de France. Le clarinettiste Hubert Rostaing a remplacé le violoniste Stéphane Grappelli, resté à Londres lorsque la guerre éclate en 1939.
A voir : un 78 tours de « Nuages » et des « Yeux noirs », enregistré avec Alix Combelle.

Grappelli : Django Reinhardt fonde, en 1934, le Quintette du Hot Club de France avec Stéphane Grappelli. Un orchestre à cordes qui incarnera jusqu’à la guerre le swing français.
A voir : un dessin de Jean Cocteau en 1937 avec la mention « Venez tous au hot club le vendredi au Bœuf sur le toit ».

Orchestre : Son père, musicien, dirige un orchestre familial où l’on joue de la musique tzigane. Très jeune, Django y fait ses débuts, avant d’intégrer les bals musette de la capitale.
A voir : une photo de l’orchestre de son père, Jean Weiss, en Algérie en 1915.

« Django Reinhardt, swing de Paris »
Jusqu’au 23 janvier à la Cité de la Musique
221, avenue Jean-Jaurès à Paris
Horaires : du mardi au jeudi de 12h à 18h, le vendredi et le samedi de 12h à 22h, le dimanche de 10h à 18h.


« Django est un excellent ambassadeur de la culture française »

Commissaire de l’exposition consacrée Django Reinhardt, Vincent Bessières revient sur un itinéraire qui ne manque pas de swing.

- Pourquoi avoir choisi de présenter cette exposition maintenant ?

Avec Miles Davis, il y a trois ans, on s’est rendu compte qu’il y avait un vrai public pour les expos jazz : 75 000 visiteurs en trois mois, c’est encourageant ! En outre, Django Reinhardt est un trésor national qu’il faut célébrer, et il y a un véritable engouement pour le jazz manouche. Sa guitare, offerte par sa veuve au Musée du Conservatoire en 1964 puis transférée au Musée de la Musique, nous a servi de point de départ naturel.

- Vous avez réuni plus de 800 objets, d’où viennent-ils ?

Ils proviennent surtout de collections privées, des héritiers de Django ou de Stéphane Grappelli, mais également de la collection Delaunay de la BNF et du Centre de l’affiche à Toulouse. Le Centre Pompidou nous a aussi prêté des tableaux. Tous ces objets (photographies, disques, journaux, instruments, etc) forment des fragments de sa vie, une mosaïque qui permet de reconstituer son univers.

- Quels sont les trois points forts de cette exposition ?

Le plus important a été de ne pas oublier la musique. Aussi avons-nous mis en place un dispositif d’écoute pour que les visiteurs puissent s’immerger dans la musique sans casque, dans des cabines d’écoute par exemple.

Autre point fort : des originaux rarement montrés, comme une lettre envoyée à Stéphane Grappelli en 1946 quand Django était aux Etats-Unis, ou son projet oublié de messe.

Enfin, dans ce parcours qui évoque pas à pas l’aventure de Django Reinhardt, nous n’oublions pas d’évoquer d’où il vient, son enfance tzigane.

- Django Reinhardt a marqué les débuts du jazz européen ; en quoi est-il unique ?

C’est un génie ! Il se classe parmi les plus grands créateurs de jazz, le premier qui ne soit pas afro-américain. Il a prouvé qu’on pouvait faire du jazz en dehors des Etats-Unis tout en ayant de l’originalité, que cette musique pouvait s’inventer différemment, dans un monde où les frontières s’estompent.

- Quel héritage laisse-t-il aujourd’hui ?

Il est immense. Un héritage d’abord apparent, celui du jazz manouche, né de son style. Django a aussi influencé de grands guitaristes, comme Santana ou BB King. Il est le père fondateur de la guitare jazz. Plus symboliquement, il a montré aux musiciens européens que le jazz n’était pas une musique folklorique et qu’il avait toute sa légitimité en France.

- L’exposition sur Miles Davis a été présentée l’étranger ; quels sont vos projets pour celle-ci ? Quelle dimension internationale revêt Django Reinhardt ?

Bien sûr, je rêve que cette exposition voyage dans le monde entier mais cela dépendra du succès rencontré auprès du public. Django est un excellent ambassadeur de la culture française, et sa musique est étroitement associée Paris. Pour Woody Allen, par exemple, Paris résonne au son de Django Reinhardt. De son vivant déjà, il était très connu, notamment en Angleterre et aux Etats-Unis ; sa tournée avec Duke Ellington a fait l’objet d’une importante couverture médiatique. Aujourd’hui, il reste quelque chose de sa notoriété passée, et ça, c’est une très bonne carte de visite.


Photo Guillemette Hervé/DR

Django, roi de la rue des Lombards

« En 1910, une étoile est née ; en 1953, elle a rejoint le firmament des musiciens où elle continue de nous éclairer. »

Le guitariste Romane aime à se rappeler Django : « Vous l’aurez compris, je l’aime bien. » Sur la scène voûtée du Sunset, son fils, Pierre Manetti, à la guitare également, et le contrebassiste Marc-Michel Le Bévillon l’accompagnent. Le trio est à l’affiche d’une soirée dédiée à Django Reinhardt dans trois clubs de la rue des Lombards, à Paris. Trois concerts pour que le spectateur déambule dans Paris comme dans la musique manouche, librement. Au Sunset, la contrebasse se déchaîne sur « Bye Bye Blackbird » ; Romane prévient : « On s’amuse beaucoup ». « En tout cas, on ne fait pas semblant », sourit Marc-Michel Le Bévillon, montrant sa chemise trempée. Le premier set s’achève sur « After You’ve Gone » et l’on se dirige doucement vers l’extérieur. Un peu plus loin, le Duc des Lombards et le Baiser salé nous attendent…