Chronique

Gerry Hemingway / Sarah Weaver

Reality Axis For Solo Percussions

Gerry Hemingway (dms, perc), Sarah Weaver (comp)

Label / Distribution : SyncSource

Gerry Hemingway, interprète ? Ce n’est pas forcément une surprise. Dans la carrière du percussionniste, il y a nombre de partitions écrites par d’autres, Braxton en premier. Mais peut-être est-il plus rare de le voir dans un exercice soliste jouer une musique écrite par la compositrice Sarah Weaver, que l’on découvre à cette occasion. De 2011 à 2018, la jeune Étasunienne installée à New-York a écrit trois longues pièces pour Hemingway, qui en livre sa lecture dans ce disque où il allie vélocité, ténacité et multiplicité des sons de peaux. Dans le premier tiers de « Node 111 : Vol. 1, 2, 3 » - l’œuvre inaugurale -, on se demande même parfois, avant l’orage de cymbale, s’il n’y a pas plusieurs joueurs tentaculaires pour faire résonner les toms.

Hemingway est seul, et se livre sans compter et sans souci de la performance ; les partitions graphiques de Sarah Weaver travaillent le rythme et la fréquence, avec des vagues colorées. Dans « Reality Axis », c’est un bourdon électronique qui relie toutes sortes de mouvements et de fracas, comme un moyeu qui ferait tourner un moteur puissant mais parfois capricieux. Il y a une concentration extrême dans le jeu du batteur, qui favorise souvent les mailloches sur le métal pour prolonger le son, en opposition directe avec des peaux au son volontairement sec. La musique de Sarah Weaver laisse beaucoup de place à l’improvisation, générée dans la relative liberté accordée par les indications. Elles forment tout de même une unité, qui aboutit à « Nexus Expanse », tout en tension, où Hemingway maintienr un cap pas très éloigné de son propre solo, qui travaillait la densité. Les deux artistes sont très influencés par l’image, omniprésente.

Sarah Weaver a déjà travaillé avec Mark Dresser ou Pauline Oliveros, et s’est intéressée à la circulation de musique sur les internets, jusqu’à en faire un sujet d’échange virtuel. Il y a d’ailleurs quelque chose de l’intangible dans Reality Axis for Solo Percussion, notamment dans « Nexus Expanse » quand les cymbales tintent comme des clochettes dans un vent himalayen. C’est une sensation étrange que d’entrer dans l’œuvre d’une compositrice par un tel solo, mais il livre énormément de sa sensibilité. On écoutera, pour assouvir une nécessaire curiosité, le disque de l’ensemble SLM, qui aime à mixer les approches et à chercher une certaine universalité. On ne s’étonnera pas d’y retrouver des musiciens proches de Braxton ou d’Eisenstadt, comme Sara Schoenbeck, Mark Dresser, Oliver Lake et bien sûr Hemingway. Même si son approche est résolument personnelle, il y a des correspondances légères qui commandent d’y être très attentif.