Carrier-Lambert-Schvarzman-Caicedo
Glow
François Carrier (as), Pablo Schvarzman, Diego Caicedo (g), Michel Lambert (dms)
Label / Distribution : FMR-Records
Chaque nouveau disque qui réunit François Carrier et Michel Lambert est toujours attendu ici avec impatience. Pas seulement parce que nos deux Québécois sont les auteurs d’une musique forte d’une tension libératrice, toujours sur la crête : on sait depuis longtemps qu’entre le saxophone nerveux et la batterie pleine de ruse, l’alchimie est parfaite. Chaque épisode de leur périple est aussi la certitude d’une découverte, une porte ouverte sur une scène. Après la Pologne, mise à l’honneur avec Wide, voici Glow qui prend la direction de Barcelone ; une capitale de la Catalogne chargée d’une électricité maligne voire sournoise. Une Barcelone aussi qui assume son statut de ville-monde : Pablo Schvarzman et Diego Caicedo, les deux guitaristes venus griffer l’univers de Carrier et Lambert sont sud-américains. L’Argentine pour le premier, la Colombie pour le second. Et le chaos pour principal passeport, un chaos souterrain comme un tremblement de terre que l’on peut entendre dans « Glow », lent vortex vers l’abîme où les guitares corrodent l’alto brûlant de Carrier.
On savait depuis longtemps, notamment avec Camila Nebbia, que l’Argentine et plus globalement l’Amérique du Sud était une terre promise pour la musique improvisée. Mais Schvarzman et Caicedo emmènent le duo de leurs voisins du grand Nord dans un univers qui leur était peu familier. Dans « Wilderness », alors que Carrier prend des accents coltraniens dans ce choix de l’urgence, les guitares paraissent lointaines, souterraines, et paradoxalement omniprésentes. Lorsque les Québécois se taisent, quelques secondes dans le dernier tiers du morceau, c’est un grouillement écorché qui surgit, paradoxalement fructueux et gage de liberté. Les guitares décident du terrain, c’est à leurs compères que revient la tâche de le fleurir.
Il n’en faut pas davantage à Carrier et Lambert, qui ont une habitude certaine du duo et se trouvent sans mot dire. Le batteur joue à l’entre-deux ; moins musical qu’à l’accoutumée, il fait le lien entre les mondes par une frappe lourde qui permet à l’alto de flamboyer. Dans « Tide of Passion », le dialogue entre eux est à son paroxysme, un feu entretenu par les braises des guitares. C’est un disque important que ce Glow dans le voyage permanent des musiciens québécois, un voyage espagnol qui les projette de nouveau sur leur continent et nous offre une facette rare de leur travail. L’attente de la prochaine étape n’en est que davantage excitante.