Chronique

Harry Connick Jr.

True Love : a celebration of Cole Porter

Harry Connick Jr. (voc), divers musiciens

Label / Distribution : Universal

Colporter encore le répertoire de Cole Porter ? C’est possible ! Quand un dandy de la fin du XXème siècle et du début du XXIème s’empare du répertoire d’un dandy millionnaire qui entre les années 1930 et 1950 a pourvu en standards les musicals de Broadway - et donc nombre de jazzmen - , que peut-il raconter si ce ne sont des histoires de… dandies ?

Si Porter put faire scandale en son temps, en écrivant des histoires d’amour physique qui choquaient le puritanisme WASP (il n’hésitait pas d’ailleurs, cet héritier d’une famille de banquiers, à proclamer fièrement sa bisexualité), on pourrait trouver le catholique revendiqué qu’est Harry Connick Jr bien prude en comparaison. Il louvoie, serait-il de signe poisson ? D’ailleurs il n’a pas mis au répertoire de cet album cet hommage à la prostitution qu’est « Love For Sale ». Certes, la voix de baryton du crooner présentateur télé est délicieusement langoureuse et l’on sent qu’il se délecte à conduire le big band réuni, ne serait-ce que par la sensualité de son jeu de piano (il nous régale d’une introduction stride sur « Begin the Beguine »). Certes, il y a une appétence créole : le leader, originaire de New Orleans, s’est révélé particulièrement actif dans l’aide aux sinistrés de l’ouragan Katrina, aidant les musiciens rescapés aux côtés de Branford Marsalis notamment. Ici, la rythmique lorgne vers quelque clave du foyer du jazz. Quant aux arrangements, ils sont somptueux.

So What ? Cette brillante americana reste conforme aux mœurs d’une Amérique puritaine hypocritement dressée sur les ergots d’une morale rejetant tout désir sexuel. On aurait bien aimé que le trombone, même bouché, lâche vraiment la purée (musicalement, s’entend). Plus encore, on aurait désiré que la clarinette s’émancipe vraiment, or l’absence de vigueur qui lui est attribuée résonne comme un triste écho du recul de la condition féminine outre-Atlantique. N’est pas Cole porteur qui veut.