Lorsque deux allumés de l’improvisation jazzistique se retrouvent dans l’antre uzestois, cela ne peut faire que des étincelles ! Ici, le guitariste Sylvain Luc souffle sur les braises toujours brûlantes d’un Bernard Lubat, à la batterie bien sûr, mais aussi au piano et au clavier. L’ambiance chaleureuse est celle d’une veillée où l’on conte, mais aussi où l’on travaille.
Car en Sud-Gironde, hors saison touristique, la palabre nocturne est un devoir. Invité à l’Estaminet du batteur, le guitariste le remercie avec force accents hispaniques (rappelant la présence ibérique en ces terres gasconnes), sans dédaigner quelque tourne bluesy, voire des riffs funk, ou encore des polyphonies et des polyrythmies à la six cordes, propulsant la pulsation dans l’ailleurs, entre stridences et notes ciselées.
A Uzeste, le jazz, tout improvisé fût-il, est art du conte. L’imaginaire de cette session « dialogique » ne consistant pas à chercher quelque vérité que ce soit, tant les deux compères n’arrêtent pas… de mentir ! A ce jeu du chat et de la souris, le maître de céans impulse des rythmes et des sons archaïques, usant et abusant des fréquences graves, tant aux claviers qu’au tom basse (hénaurme travail sur ce composant de la batterie, trop souvent dédaigné, ici magnifié), délivrant un message universel depuis son foyer forestier… manière de ne pas oublier ses engagements militants, il psalmodie même quelque « strange fruit » entre des alignements de borborygmes, convoquant l’hymne antiraciste chanté par Billie Holiday ! On se languit de la suite, notamment avec le souffleur bayonnais Michel Portal.