Chronique

Hélène Labarrière

Désordre

Hélène Labarrière (b), Christophe Marguet (dm), Hasse Poulsen (g), François Corneloup (bs)

Label / Distribution : Innacor

Désordre marque le retour d’une grande musicienne et de son quartet.
Depuis Les temps changent, Hélène Labarrière et ses amis se sont nourris des rencontres qui ont jalonné les quelques années séparant les deux albums. Ils nous proposent aujourd’hui de poursuivre l’aventure entamée en 2007, avec une même envie d’explorer, de pousser toujours plus loin l’écriture et l’improvisation, le travail collectif.

Autour des compositions de la contrebassiste et d’une reprise – « La chanson de Craonne » – choix qui n’a rien de fortuit quand on connaît ce quartet (les paroles sont reprises dans le livret), la musique reprend son cheminement hardi, à la croisée des chemins multiples qui font l’aventure : la puissance du rock, un soupçon de folk, et le jazz bien sûr, le tout dans un désordre nourricier, organisateur, père de ces inventions poétiques aux attraits plus ou moins cachés, subtils. C’est puissant – on n’apparie pas impunément une contrebasse et un saxophone baryton ; c’est bigarré – Christophe Marguet et Hasse Poulsen possèdent un vaste catalogue de textures et de couleurs ; et c’est superbement composé : Hélène Labarrière manie la plume comme la contrebasse avec brio et offre à ses compagnons une matière qu’ils explorent dans toutes les directions mais avec une cohésion et une cohérence qui font la réussite de ce disque. Les quatre musiciens, qui se connaissent de longue date, partagent nombre d’expériences (Hélène Labarrière participe au trio de François Corneloup en compagnie de Simon Goubert, par exemple) ; cette histoire commune est sans doute à la base de la confiance requise pour se lancer sans appréhension ni restriction dans une musique ainsi ouverte à tous les vents, tous les aléas, au chaos du monde, et qui s’en nourrit pour y faire naître des îlots de beauté et de poésie, comme on voit parfois la nature reprendre ses droits au milieu des friches industrielles et leur redonner vie et lumière (voir la superbe pochette du disque).

Porté par un lyrisme mélancolique mais jamais résigné, Désordre ouvre une fenêtre sur le monde contemporain, ses excès, ses horreurs mais aussi ses charmes. Chaque morceau est une pépite aux évolutions contrastées, traversée tour à tour par des fulgurances saisissantes ou des moments de calme poignants ; çà et là, il peut aussi raviver le souvenir des grandes figures (le très « motianesque » « Désordre »).

Les temps changent mais Hélène Labarrière continue de s’affirmer comme une musicienne passionnante au sein d’un quartet à son image : humain, profond, subtil, complémentaire et aventureux, en chemin perpétuel. Et avant tout d’une grande humanité.