Chronique

Irène Schweizer - Hamid Drake

Celebration

Irène Schweizer (p), Hamid Drake (dm)

Label / Distribution : Intakt Records

Chère Irène (je peux vous appeler Irène ?),

Je vous le dis tout de go, je ne suis pas un familier de votre œuvre. Oh bien sûr votre nom ne m’était pas inconnu (comment pourrait-il l’être quand on s’intéresse à la musique improvisée). Je l’avais notamment croisé lors du fameux dossier sur la Confédération Helvétique du Jazz que mon non moins fameux collègue Franpi Barriaux avait rédigé dans nos colonnes en avril 2017. Franpi vous décrivait, je cite, comme une « icône de la musique improvisée européenne, [dont] le jeu assez rugueux, très porté par la pulsation, a accompagné [de nombreuses] légendes du Free ». En me renseignant sur votre compte, j’ai appris que vous étiez coutumière des duos piano/batterie ; Han Bennink, Pierre Favre, Andrew Cyrille ou Joey Baron, pour n’en citer que quelques uns, ont été (et sont toujours pour certains d’entre eux) vos interlocuteurs privilégiés. On peut même dire, sans exagérer, que vous avez marqué l’Histoire de cette formule si particulière.

Quoiqu’il en soit, ce n’est pas, soyons honnête, votre CV majuscule qui m’a décidé à écouter votre dernier album Celebration, mais bien le nom de votre partenaire. Hamid Drake est pour moi une légende. En lisant son nom, des souvenirs sont remontés à la surface. Je l’ai vu plusieurs fois en concert, et la chose qui, à chaque fois, me frappait le plus, c’était son sourire, omniprésent, et son regard aussi, toujours bienveillant. Cette concentration également qu’il semblait chercher au plus profond de son âme, les yeux mi-clos.

Alors quand j’ai mis le disque sur ma platine (oui on met encore des disques sur des platines en 2021), c’est lui que j’attendais. Pourtant, dès les premières notes de « A Former Dialogue », j’ai tout de suite été secoué par votre jeu de piano, lourd, sec et puissant. J’ai entendu aussi une certaine fragilité et une sorte de lyrisme âpre et gracile qui transpirait de votre improvisation. Une grande énergie également et une maîtrise technique époustouflante. Les morceaux s’enchaînaient, la musique semblait tellement fluide, naturelle ; j’étais totalement happé par ce que j’entendais. Quelle imagination, quel style, quel humour ! Et votre entente quasi télépathique avec Hamid Drake, quel bonheur ! Tout du long, je me suis surpris à envier les spectateurs présents dans la petite ville autrichienne de Nickelsdorf pour ce concert. J’aurais tellement voulu y être moi aussi !

Voilà. J’arrête là ; sur ces quelques mots qui tentent de décrire très modestement mes sentiments à l’égard de votre musique. Il me reste à vous remercier pour ce magnifique disque. Vous remercier pour votre spontanéité et votre générosité, secret sans doute de votre jeunesse éternelle. Bon anniversaire chère Irène. 80 ans, ça se fête !

par Julien Aunos // Publié le 27 juin 2021
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