Sons d’Hiver 2010
Retour sur l’un des deux grands festivals de la banlieue parisienne avec Banlieues Bleues 2010, qui se déroulait cette année du 29 janvier au 20 février.
Retour sur l’un des deux grands festivals de la banlieue parisienne avec Banlieues Bleues 2010, qui se déroulait cette année du 29 janvier au 20 février.
Si la programmation de ce festival fait la part belle à la Great Black Music, et ce depuis son commencement en 1998, elle ne néglige pas pour autant les musiques improvisées européennes : les noms d’Yves Robert, Elise Caron ou Régis Huby y côtoient ceux de William Parker, Roscoe Mitchell, James Carter ou Jef Lee Johnson.
Les gestes les plus free côtoient des formules plus douces, ainsi d’un certain nombre de têtes d’affiches : Kahil El’ Zabar avec Neneh Cherry à la suite d’Hamid Drake et le nouveau Bindu, ou Bettina Kee en première partie d’Ernest Dawkins.
« Sons d’Hiver » juxtapose en outre big bands américains, opéras modernes, formations chambristes, spectacles engagés, rock, mais aussi films et conférences.
Retour sur un festival délicieusement riche et contrasté.
C’est Hamid Drake « Bindu » qui ouvre le festival, le 29 janvier, par un concert festif. Le groupe est recomposé pour l’occasion : Jeb Bishop et Jeff Albert aux trombones, Josh Abrams à la contrebasse et au guembri, Jeff Parker à la guitare, Napoleon Maddox au beatboxing et au chant, et bien sûr Drake à la batterie.
Les compositions de Reggaeology n’ont de reggae que le nom, et l’esprit. Ça en a la couleur, mais ça n’en est pas – pas plus que ce n’est du jazz au sens classique du terme. Le premier titre, qui dure une vingtaine de minutes, et aussi celui qui ouvre l’album, « Kali’s Children No Cry », débute sur les guirlandes virtuoses de voix et de beatbox de Maddox avant d’enchaîner sur des passes de batterie vindicatives et l’exposition du thème par les trombones. Il suffit pour donner au public l’assurance que le concert sera magistral ; le reste sera, effectivement, à l’avenant. Energie saturée du jeu de Parker à la guitare, attitude free des trombones, tantôt réduits à un souffle expectoré dans le cuivre, tantôt portés par l’énergie de la fête, mélodies enchanteresses du guembri d’Abrams (« Take Us Home »)… Si Bindu n’est au fond jamais le même groupe, chacune de ses incarnations démontre la permanence de la vitalité musicale de Drake.
- Hamid Drake @ H. Collon
Par contraste, le concert de Kahil El’Zabar est presque décevant. Il y a certes quelques beaux moments, comme les ahurissants chorus d’Ernest Dawkins au saxophone, mais l’ensemble se perd dans une certaine facilité. Trop édulcoré, trop lisse. Neneh Cherry au chant et Corey Wilkes à la trompette ne se laissent aller à aucune prise de risque. Quant à Franck Orall à la guitare et aux machines, ses interventions n’apportent pas grand-chose. Restent la présence racée de Kahil El’Zabar et son fulgurant solo de batterie final, presque exclusivement aux cymbales : un vrai moment d’audace et d’intensité, dont ce concert manque cruellement par ailleurs.
Le lendemain, c’est un autre poids lourd de la scène new-yorkaise qui est à l’honneur : William Parker en quartet (Lewis Barnes à la trompette, Rob Brown au saxophone alto, Nasheet Waits à la batterie), avec James Spaulding et Billy Bang en invités. Et pour ouvrir la soirée en beauté, le trio de Rob Brown avec Craig Taborn aux claviers et Nasheet Waits à la batterie. Le set du trio est vindicatif : le saxophone hurle ou se perd en feulements, Taborn, exceptionnel ce soir-là, écrase le clavier avec une énergie fulgurante pendant que Waits porte ses acolytes par sa rythmique enragée. Une musique décidément puissante, mais dont l’agressivité ne fait jamais oublier le raffinement, toujours en équilibre instable entre luxuriance de l’écriture et sécheresse du jeu collectif.
Le concert de William Parker, tout aussi fort, est cependant moins audacieux. Il s’agit ici de fête et de célébration, de réunir des musiciens qui jouent ensemble depuis longtemps et s’aiment d’un amour musical profond (voir la complicité évidente entre Billy Bang et William Parker), et de confronter des vétérans (James Spaulding), des musiciens confirmés (Billy Bang, William Parker) et plus jeunes (Nasheet Waits), tous mettant leur talent au service d’une seule et même musique. « Criminals in the White House », « Malachi’s Mode » (pour Malachi Favors) ou encore « Shorter for Alan » sont développés à grand renfort de chorus. C’est la liberté qui prime, ce soir, et les musiciens en profitent pour engager de virulentes passes rythmiques (Nasheet Waits à la fin de « Criminals »), déployer des moments de lyrisme mat, ou retourner comme un gant le jeu d’ensemble par des fantaisies harmoniques inattendues (Barnes et Bang sur « Malachi’s Mode »). Laissons le mot de la fin au maître de cérémonie : « Thanks everybody for coming. Usually we are a quartet, tonight we were a sextet, but with you in front of us, we’re an orchestra. You were part of it, thank you. » Où William Parker réaffirme la démonstration d’un jazz à la fois intelligent, imaginatif, généreux et puissamment défricheur.
Février commence avec des chanteuses : une Italienne, une Française et une Franco-Italienne. C’est cette dernière qui ouvre le bal : aux côtés de Sylvain Daniel (b), Fred Pallem (g) et Emiliano Turi (dr), Bettina Kee chante et joue du piano au sein de son « Ornette » en première partie d’Ernest Dawkins New Horizon Ensemble.
Très convaincant, Dawkins joue du saxophone et utilise divers objets sonores dont il précise qu’ils ne sont pas des jouets, mais bien des instruments de musique. Steve Berry est au trombone, Junius Paul à la contrebasse et l’excellent Isaïe Spencer à la batterie. On avait été impressionné, avec Kahil El’Zabar, par la vélocité de Dawkins, qui rappelle Gétatchèw Mèkurya et sa pratique du shellele éthiopien. Ce soir, son jeu est plus rentré et plus méditatif. Il prend le temps de développer ses thèmes, s’interrompt pour ponctuer le jeu de sons divers (!). Ses musiciens sont plus énergiques : Spencer, intelligent et direct, et Paul, qui phrase sans discontinuer, avec une fougue qui force le respect.
Passons rapidement sur la première partie de Bettina Kee : de bons musiciens, mais qui jouissent de très peu d’espace dans ces chansons pop trop classiques et trop sages. On retrouve cependant la claviériste deux jours plus tard avec Sarah Murcia et « Klang la Belle » à Ivry-sur-Seine au Théâtre Antoine Vitez, dans un orchestre de relecture de classiques rock à géométrie variable.
“Video killed the Radio Star”, “No Woman No Cry”, “Break On Through”… ce survol complet des années 70 en balaye les principaux champs musicaux : pop psychédélique, rock anglais, soul, débuts de l’électro… Une voix off (Fred Poulet) guide les spectateurs à travers l’Histoire de la musique, l’illustration visuelle descendant du plafond sous forme de boule à facettes dans un moment voilé de fumées multicolores digne du meilleur théâtre à machines. L’identification quasi instantanée des chansons est agréable mais place salle et scène dans une sorte de connivence convenue qui se révèle de moins en moins propice à ce qui stimule les papilles du mélomane : l’inattendu musical. Au premier abord, l’énergie débordante des invités, la drôlerie générale et l’ambiance enlevée séduisent, mais on tombe vite dans un enchaînement de relectures qui n’apportent pas grand-chose aux originaux ; David Bowie, Prince, etc servent de simples prétextes aux solos de la chanteuse, contrebassiste et leader du projet. Bettina Kee, Thomas de Pourquery et Nicolas Martel font des merveilles à la voix, entre autoparodie et jeu sur les clichés du rock, Franck Vaillant assure comme à son habitude derrière sa batterie, Airelle Besson apporte une touche de fraîcheur à la trompette et au violon. Enfin, Sylvain Daniel et Eric Löhrer font groover le tout à la basse et à la guitare. Pourtant l’ensemble demeure poussif, sans grande inspiration et finalement assez prétentieux. Les deux Britanniques invités, Vic Moan (mandoline) et Brad Scott (contrebasse), kilt et accent bien trempé, ne sont finalement que des attractions, à l’image du concert lui-même.
- M. L. Baccarini @ H. Collon
C’est qu’il était difficile de passer après le Tribute à Cole Porter signé Régis Huby et Maria Laura Baccarini : Furrow. Des reprises, encore, mais quelles reprises ! De « I’ve Got You Under My Skin » à « My Heart Belongs To Daddy » en passant par « Love For Sale », le violoniste et leader prend toute liberté pour imprimer sa marque aux mélodies, à tel point qu’il ne reste précisément plus qu’elles - souvent colorées par Roland Pinsard, remarquable, aux clarinettes. Les standards sont méconnaissables : entièrement déshabillés de leur oripeaux traditionnels, rhabillés de rock, les voilà portées par une voix puissante et lyrique - une des rares voix à donner aujourd’hui autant de frissons. Sur scène, la timidité de l’Italienne se mue en drôlerie : chanteuse mais aussi comédienne et danseuse, familière du monde de la comédie musicale, Maria Laura Baccarini instaure un réjouissant décalage entre des improvisations rock et une saveur indéniablement « Broadway » – ici, d’ailleurs, l’un ne va pas sans l’autre. Déconcertants et détonants, les arrangements de Régis Huby sont savoureux ; Olivier Benoît à la guitare électrique, Eric Echampard à la batterie et Guillaume Séguron à la contrebasse sont les acolytes de cette œuvre, qui devrait rassembler les amateurs de jazz, de rock et de curiosités. Avec Furrow, on ne reconnaît plus les thèmes de Cole Porter, on les découvre.
Après deux hommages à, respectivement, Leonard Cohen et Bob Dylan par les Fantastic Merlins avec Kid Dakota avec How The Light Gets In et Jef Lee Johnson avec The Zimmerman Shadow, deux concerts de sortie de disques (sur le label nato), et un hommage aux Black Panthers qui mêle parole et musique (« spoken word »), Michel Edelin ouvre la soirée du 9 février avant la prestation de Roscoe Mitchell.
Michel Edelin présente les compositions de son disque enregistré sur le label RogueArt, avec Jean-Jacques Avenel à la contrebasse et John Betsch à la batterie, et, comme invités de marque, Nicole Mitchell à la flûte et Steve Lehman au sax ténor. Les compositions de Kuntu sont aussi convaincantes en live que sur disque. A l’évidence marqué par Dolphy, il s’en détache pour mieux arpenter des chemins de traverse. Par exemple vers les pratiques de l’AACM, dont font état ses dialogues avec Nicole Mitchell. Le free new-yorkais, en revanche, sera un peu en retrait ce soir : Lehman intervient peu. Derrière, la section rythmique assure : Betsch, dont on aime depuis longtemps le jeu à la fois puissant et d’une simplicité très raffinée, mais surtout Avenel, dont le jeu est ce soir-là de toute beauté : décidé, inventif, audacieux – sa présence, bien que discrète, est pour une large part responsable de la réussite de ce set.
Roscoe Mitchell choisit une voie tout à fait originale et donne un des concerts les plus singuliers de cette édition du festival. Accompagné de Hugh Ragin à la trompette, A. Spencer Barefield à la guitare, Jaribu Shahid à la contrebasse et Tani Tabal à la batterie, le leader conduit sa troupe à la clarinette basse et aux saxophones soprano et ténor. Ses musiciens joueront ce soir une longue pièce évoquant une équipée à travers une contrée inconnue. Le jeu collectif est aéré, ouvert, plein de silences ; méditatif, cérébral par moments, et ponctué de surprises. Mitchell endosse véritablement le rôle de chef d’orchestre, soit qu’il impose le silence à un musicien d’un geste autoritaire, soit qu’il relance tout le monde d’un rapide regard circulaire. L’homme est concentré, quasi muet. L’ambiance est au recueillement. Et pourtant, tous ont l’air habités par la musique construite ce soir, à commencer par Tani Tabal qui illumine de son grand sourire chaque frappe de cymbale. Et si Mitchell est parfois presque trop calme, trop absent, son jeu reste d’une audacieuse générosité : j’en veux pour preuve ce solo à la clarinette basse en souffle continu, qui a envoûté un public pantois. Que la musique puisse suspendre ainsi le temps, c’est bien la preuve de sa force, quand bien même cette dernière avancerait masquée.
- Tony Allen Quintet © Michel Laborde
La soirée du 12 février est dans un tout autre registre. Deux orchestres d’afrobeat : Aqua Ife, celui de Michael Veal, professeur d’ethno-musicologie à l’université, et le groupe de Tony Allen, qu’on ne présente plus. Ou plutôt, si : côté Veal, ce sont Michael Veal (basse), Alex Kennedy-Grant et Ben Tyree (guitares), Matthew Clayton (saxophone alto), Lauren Sevian (saxophone baryton), Sam Newsome (axophone soprano) et Avram Fefer (saxophone ténor), Kevin Louis (trompette), Phillip Ballman (batterie), Bennett Paster (claviers), Niko Laboy et Felix Sanabria (congas et percussions). Quant à Secret Agent, il se compose de Tony Allen à la batterie, Orobiyi Adunni et Audrey Gbaguibi au chant, Claude Dibongue et Kolobgo aux guitares, Rody Cereyon à la basse, Nicolas Giraud à la trompette, Jean-Jacques Elangué au saxophone, Yann Jankielewicz au saxophone baryton et le surnommé Fixi aux claviers.
Aqua Ife délivre un afrobeat très orchestral, festif, ample. Parfois un peu classique peut-être ? En tout cas il se caractérise par une parfaite connaissance des musiques ethniques et ses membres offrent un jeu de qualité. Le tout pâtit des limites trop strictes du concert de jazz ; dommage, car paradoxalement, si cette musique est joyeuse, elle ne réussit pas, ce soir, à contaminer le public. On s’en rend compte lorsqu’on écoute Tony Allen qui, sitôt le premier titre achevé, s’exclame : « What I don’t understand is… how can you be still sitting while we’re playing such a joyful music ? » Il suffit de peu pour désinhiber le public : celui-ci se lève comme un seul homme pour danser. L’effectif est plus réduit que chez Veal et la musique plus sobre, mais aussi plus affirmée, et de fait plus énergique, efficace. La différence entre un bon et un excellent concert d’afrobeat se situe sûrement dans ce petit écart.
En ouverture du World Saxophone Quartet et de M’Boom (dont la réunion était annoncée comme un événement) : Rockingchair, soit Sylvain Rifflet (Rigolus) au saxophone ténor, à la clarinette, au métallophone et à la MAO, Airelle Besson à la trompette et au theremin, Julien Omé (Denis Colin et les Arpenteurs, Le Bruit du Sign) à la guitare et au ukulélé, Guido Zorn à la contrebasse et à la MAO, Nicolas Larmignat à la batterie, Gilles Olivesi au traitement sonore et à la MAO. Les compositions sont plutôt élégantes, les musiciens d’un excellent niveau (Airelle Besson en tête) mais le concert déçoit : le son du groupe semble se perdre dans l’immensité de la salle et on reste sur sa faim. Quelques beaux moments toutefois, comme ce remarquable duo trompette/contrebasse, tout en poésie et en finesse, mais l’utilisation de l’électronique à outrance apparaît peu à peu comme un artifice à la mode dont on se passerait. Le magnifique duo évoqué à l’instant est ainsi gâché par un son métallique sorti de nulle part et dont on peine à justifier la fonction. De même, comment expliquer la sortie de scène impromptue des musiciens au milieu d’un morceau, puis leur retour, sinon comme un effet de style qui tend à mettre en valeur l’électronique ? Dommage que la belle énergie du groupe, entre improvisation et tension rock, se dilue dans de tels effets.
Par comparaison, le World Saxophone Quartet et M’Boom font preuve d’une énergie toute juvénile. Le pari était de renouveler l’expérience du 26 juin 1981 : un concert à l’initiative de Max Roach en la cathédrale St John-the-Divine à Harlem.
Le WSQ mêle l’héritage du jazz le plus débridé au blues, au funk et au bop. Lorsqu’il joue en compagnie de M’Boom, c’est l’occasion d’exploiter le contraste entre les cuivres et les diverses textures de percussions. A l’arrivée, c’est l’improvisation collective qui sera à la fête, ainsi que toutes les formes de dialogue permises par ce line-up singulier. Double quartet ou octet, on ne sait trop : les musiciens ont à cœur de brouiller ces distinctions ainsi que les compositions trop soigneusement écrites. Un joyeux chaos dont la vitalité rappelle – sans la copier – le concert de William Parker au début du festival.
Les deux dernières soirs de Sons d’Hiver ne sont ni tout à fait de la musique ni tout à fait du théâtre : Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, opéra jazz dirigé par Melvin Van Peebles d’après son propre film (1971), œuvre emblématique du cinéma afro-américain et du début de la Blaxploitation, clôt le festival : treize acteurs accompagnés/conduits par les treize musiciens du Burnt Sugar - the Arkestra Chamber (dont le leader est le guitariste Greg Tate) pour un spectacle de deux heures dans la lignée d’une certaine Black Music, de Duke Ellington à l’Art Ensemble of Chicago.
- Elise Caron @ H. Collon
Mais c’est deux jours plus tôt, à l’auditorium de la médiathèque de Vitry que s’est installé Citizen Jazz pour écouter/regarder L’Argent nous est cher d’Yves Robert.
Dernier-né d’une trilogie (après L’Argent [Chief Inspector], et La Disparition de l’argent, diffusé sur France Musique), L’Argent nous est cher est un spectacle hybride, entre jazz et théâtre, discours et fiction, son et image, où texte et partition sont entrelacés au service d’une écriture engagée.
Une candidate aux Élections législatives européennes, jouée/chantée/incarnée par Elise Caron, déclame un discours dénonçant la place de l’argent dans la politique. Chiffres à l’appui, elle montre comment il est devenu le moteur ou le frein de toute action politique, et conspue le désir puéril qui y est associé. Mais cette curieuse candidate finit par rêver qu’elle-même nage dans les billets de banque - rêve accompli en images grâce à la vidéo d’Odile Macchi. Le discours à contre-emploi est ponctué, relevé, contrarié parfois par Stefanus Vivens au piano et effets, Franck Vaillant à la batterie et Yves Robert au trombone. Tandis qu’Elise Caron n’hésite pas à émettre bruitages, répétitions et bégaiements à la manière d’un clown, les musiciens imitent la voix humaine, modulent la parole en s’intercalant, s’interposant, proposant même leur propre matériau. Quand ce ne sont pas des passages enregistrés qui défilent en fond de la scène, la candidate est filmée en direct, permettant un jeu de regards et de gestes amusant. Le mélange des genres est constitutif de l’émergence d’un sens éminemment politique. À l’heure où les engagements explicites se font rares, Yves Robert livre un discours tranchant, empreint de colère ; sans jamais tomber dans une quelconque morale, il met en lumière les croyances et contradictions qui parsèment notre perception - forcément tronquée - de la scène politique mondiale. Ce discours est porté par des compositions où l’on reconnaît sa touche personnelle, entre légèreté et drôlerie, et d’excellents musiciens qui prennent plaisir à ce spectacle mi-farce mi-sérieux.