Chronique

Steve Swell’s Fire Into Music

For Jemeel - Fire From The Road

Hamid Drake (dm), Jemeel Moondoc (as), William Parker (b), Steve Swell (tb)

Label / Distribution : Rogue Art

Le Fire Into Music du tromboniste Steve Swell exista entre 2004 et 2006, le temps d’une grosse tournée, de quelques concerts isolés et d’un album. Le tromboniste s’était alors entouré de la fine fleur de la free music américaine : Hamid Drake, William Parker et Jemeel Moondoc.
Si le saxophoniste n’était pas mort en 2021, nous aurions pu avoir entre les oreilles le second enregistrement studio du quartet. C’est ce qu’avait prévu Michel Dorbon, le patron de Rogue Art. En lieu et place, afin de rendre un dernier hommage à Moondoc et de témoigner des sessions live du groupe, le label édite ce triple CD riche et captivant. Ironiquement, le disparu, qui fut l’élève de Cecil Taylor et qui ne jurait que par le concert, aurait sans doute préféré cela. Menacé depuis toujours par la maladie chronique qui a fini par l’emporter - la drépanocytose – il avait un rapport à la vie et au temps très focalisé sur l’instant présent.
Chose suffisamment rare pour être remarquée, sur scène le quartet pouvait autant jouer les compositions de Swell et Moondoc que de longues pièces totalement improvisées. C’est ce qu’illustrent ces trois concerts captés entre octobre 2004 et septembre 2005. A Houston, le set est une improvisation d’un seul tenant alors qu’au festival de Guelf au Canada, le groupe ne joue que des compositions dont « Swimming in a Galaxy of Goodwill and Sorrow » qui donnera son nom à l’album qu’ils enregistreront deux ans plus tard. A Marfa, au Texas, le quartet alterne les deux. Ce concert fut d’ailleurs dans un premier temps édité sans l’accord des musiciens par un label indélicat. Ils le découvrirent après sa sortie lorsqu’ils le reçurent dans leurs boîtes à lettres.
A l’instar des formations d’Ornette Coleman et de John Zorn, le groupe dégage le charme si particulier des quartets sans instrument polyphonique. La musique peut être tonale sans risquer qu’un pianiste ou un guitariste trop envahissant prenne tout le lit. Elle peut glisser facilement dans l’atonalité sans que l’on subisse de choc thermique. Chaque instant est imprégné de sérenité. Les quatre improvisateurs ont la juste place pour s’exprimer et ne se privent pas de le faire en s’accordant de fréquent moments de solo absolus. La gestion du temps est ici exemplaire. Aucune précipitation, aucun temps mort. Jamais on ne s’ennuie pendant ces trois heures de musique pure.