Chronique

István Grencsó

Essays

István Grencsó (as, ts, cl, bcl, fl), Stefan Kovacs Tickmayer (p), Barnabás Dukay (cla), Aurél Holló (perc)

Label / Distribution : Hunnia Records

Inutile de revenir sur la richesse de la musique magyare puisque nous y avons consacré un plein dossier ; de la même façon, le saxophoniste István Grencsó n’a logiquement plus de secret pour les lecteurs de Citizen Jazz grâce notamment à l’interview qu’il nous avait accordée. Mais le temps offre des surprises, et certains pas de côtés effectués par les musiciens eux-mêmes éclairent davantage que toutes les analyses. On savait Grencsó très impliqué dans la musique contemporaine, notamment avec le pianiste Stefan Kovacs Tickmayer que nous retrouvons ici dans le premiers des trois volets que constitue le coffret Essays, paru chez Hunnia Records. Mais c’est bien avec un autre pianiste, Barnabás Dukay que ce projet ambitieux est mené ; on connaît ce dernier pour avoir participé à l’une des œuvres marquantes de Gábor Gadó, mais aussi plus récemment pour avoir pris part au quartet DGSM qui est en quelque sorte le produit de la réflexion initiée par Essays [1]

Entre 2016 et 2017, Grencsó et Dukay se sont croisés trois fois, dans des configurations et des lieux différents, pour mieux envisager leur relation interpersonnelle ; ils ont travaillé avec d’autres, comme Tickmayer et ses stratagèmes électroniques qui adoucissent paradoxalement une rencontre amorcée sous des contours plutôt rugueux (« Core »). Dukay et son jeu très concertant, à la main gauche précise et assez autoritaire, ne dompte pas le son plein et clair de Grencsó ; ils trouvent un terrain d’entente, délestés de la structure rythmique inhérente au jazz, notamment grâce aux effets de souffle et d’écho créés par les trouvailles numériques. Il en sera de même avec le percussionniste Aurél Holló sur le troisième album du coffret, comme pour clore la rencontre sur un tour d’honneur. Il pourrait sembler surprenant que ce soit le retour des peaux et des cymbales qui consolide cette démarche, mais c’est pourtant sur la « Part 1 » que l’alliance entre les deux musiciens se scelle durablement.

C’est dans le point d’orgue - au sens strict - que représente Ritual Music, le second album, que la musique de ces artistes se fait plus lumineuse. Enregistrée dans la prestigieuse église Szent Ferenc de Budapest, sur le grand orgue, il y a comme un précipité de toutes les émotions intangibles que la musique peut procurer. L’espace d’un instant, on songe à Pause, l’album qu’Andy Emler avait enregistré sur orgue, et notamment lors de son duo avec Laurent Dehors : il y a la même volonté de frôler les étoiles et de ne jamais toucher terre. Cette rencontre est essentielle.

par Franpi Barriaux // Publié le 19 mai 2019
P.-S. :

[1Esszék en hongrois, Essais donc en français, à prendre au sens littéraire du terme.