Chronique

François Houle & Benoît Delbecq

Poise

François Houle (cl, basset), Benoît Delbelcq (p).

Label / Distribution : Afterday

Puissamment intimes, les duos entre le clarinettiste François Houle et le pianiste Benoît Delbecq sont anciens et se teintent d’une amitié solide, éprouvée, qui a des airs de famille. Ils sont nés dans les couloirs de Banff, la célèbre école de l’Alberta canadien. Il y a presque un quart de siècle, nous écrivions à propos de Dice Thrown que tout dans le duo était retenue et silence. Deux décennies plus tard rien n’a changé, sauf le tannin des relations et cette capacité à retenir l’indicible et à éclairer la nuit d’une lumière soyeuse ; « Missing Blue Line » et les slaps de clarinette qui caressent un piano délesté de ses préparations, presque à nu, a quelque chose de chaleureux et sensuel, de profondément charnel. À la fois gorgé de spleen et irisé d’une forme de quiétude. Une brèche des sentiments dans laquelle les deux improvisateurs s’engouffrent sans rien bousculer.

Chambriste, ce Poise l’est indubitablement ; il y a de la douceur et des détails où qu’on aille et le travail est, comme toujours, extrêmement précieux. « Bowen Island », morceau où le choix de Houle pour le cor de basset permet d’aller sonder les profondeurs du piano, s’avère extrêmement pertinent et offre une synergie profonde, quasi télépathique entre les musiciens. Il n’y a pourtant pas d’usure : Houle et Delbecq ont une forme de fraîcheur continuelle qui donne à cette rencontre l’énergie de la nouveauté. Bien entendu, chacun joue sur ses forces, le piano de Delbecq teinté de ses sons boisés sur le très beau « A Bed of Leaves » aux couleurs automnales ; la clarinette, elle, hante les résonances et les franges du silence et des dissonances… Mais même si l’on sait immédiatement, à l’oreille, que ce sont Houle et Delbecq comme d’autres Montaigne et La Boétie, le monde défriché est neuf et empli de rêves.

« Taking Woodwork » est certainement la pièce la plus symbolique de ce long chemin emprunté par Houle et Delbecq. Tout dans ce morceau est une part de l’infiniment petit. L’anche est d’une douceur aux limites du dicible, et le piano assourdi fait vibrer le bois. Le résultat est organique, tangue comme un bateau dans le petit vent, doucement, à la manière d’une berceuse un peu agitée. Ce disque est un mot doux glissé dans l’imaginaire, au nom de l’amitié. Un voyage des plus agréables.

par Franpi Barriaux // Publié le 2 mars 2025
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