Chronique

Jean-Paul Celea

Yes Ornette !

Label / Distribution : Out There / Out Note

Peut-être une équivoque sur « Yes or not ? ». En tous cas, « Yes Ornette ! » Mais attention : pas tout de suite. « Il m’aura fallu du temps », dit à peu près Jean-Paul Celea dans l’entretien qui figure dans le clip de promotion du CD, « pour que cette musique, ces thèmes, soient ce que j’avais envie de jouer aujourd’hui. A l’époque, j’écoutais plus aisément Coltrane ». On est d’accord. Une musique qui résiste, c’est une musique dure, donc qui a des chances de durer. D’ailleurs Coltrane n’a pas non plus été évident pour tout le monde, au départ. Voilà bien le vrai sens des musiques de résistance : des musiques qui résistent au temps, qui résistent à tout, même et surtout à vous-même dans la mesure où vous n’avez pas envie de vous fatiguer. Le jazz est une musique qui résiste. Une musique du désir, du dur désir de durer.

Donc aujourd’hui, oui. Qui a dit qu’Ornette Coleman avait « assassiné la tendresse » ? On ne sait plus, ou on ne le dira pas. Il suffisait d’écouter : ce qui jaillit de ces thèmes (plutôt de sa première période, ou qui sont restés inouïs, pas joués, oubliés dans un carton) c’est de la danse pure, de la joie, de la jubilation, même dans la l’évocation de la solitude. La joie de ce qui jaillit de source, comme un printemps, comme un renouveau. Et pour s’en jouer à ce point de perfection, trois instrumentistes qui se sont trouvés au bon moment, dans un bon-heurt qui s’entend du début à la fin. Complicité de longue date, ou fraîcheur des rencontres récentes. Celea dit s’être surpris lui-même dans ce disque, avoir joué quelque chose à quoi il ne s’attendait pas. Pourtant on pouvait s’y attendre : quelle mise en place somptueuse, quel son ! (Merci Gérard de Haro  !) Reisinger, on le savait aussi, quel batteur, quel sens de la couleur mais aussi du tempo, et des espaces, et de la précision ! Quant au Parisien de la séance il confirme ce qu’on sait de lui, une incroyable justesse sur cet instrument impossible (le soprano), et la capacité à se mettre au service d’un projet sans rien y perdre de sa vérité.

On va les entendre bientôt. A Nevers, à Strasbourg, que sais-je encore. Dans ces festivals de l’AFIJMA (création au Mans il y a peu, on y était, quel concert !) qui sont si précieux dans le champ de la diffusion du jazz vif, d’abord parce qu’ils ne se situent pas en été (pas tous en tous cas), ensuite parce qu’ils ont en commun de continuer à résister eux aussi, à la morosité, aux subventions en baisse, aux sirènes d’alarme ou de séduction. Mais oui.

par Philippe Méziat // Publié le 30 septembre 2012
P.-S. :

Sortie commerciale le 9 octobre 2012