Chronique

Jean-Paul Hervé

Ligne B

Jean-Paul Hervé (g), Fred Roudet (tp, bugle), Loïc Bachevillier (tb), Raphaël Poly (b, programmation), Hervé Humbert (dm)

Label / Distribution : Inouïe Distribution

Jean-Paul Hervé a beaucoup emprunté le métro lyonnais. En particulier la ligne B. Un casque sur la tête pour voyager en musique et déambuler au fil des couloirs et des stations, il a peu à peu intégré les multiples sonorités de cette mécanique souterraine aux mélodies qui accompagnaient sa route. L’idée d’en tirer une forme musicale est née, et le guitariste compositeur a commencé à travailler sur la bande-son d’un transport peu commun.

Pour mener à bien cette démarche, il a fallu d’abord bien s’entourer. La question du duo basse/batterie n’a pas tardé à être résolue, avec les vieux compagnons de route (déjà présents dans JPH3) Raphaël Poly et Hervé Humbert. Une section rythmique imbriquée, parfaitement huilée, sur laquelle le reste du groupe n’a plus qu’à se poser comme sur des rails. Le répertoire appelait des cuivres, là aussi l’évidence a désigné Fred Roudet à la trompette et Loïc Bachevillier au trombone. Une formation de circonstance pour jouer sur les correspondances entre le jazz et le rock.

La musique est pensée comme un déplacement dans les galeries ramifiées. Elle se décline en variantes qui mettent en exergue à la fois les instants statiques qu’induisent les transports en commun et les traversées emportées par le flot des voyageurs aux heures de pointe. Les sons enregistrés dans le métro ne sont pas seulement des illustrations sonores qui viendraient orner les compositions musicales : elles sont la matière première du compositeur. À partir d’une alarme, d’un souffle, de jingles répétés ou de dialogues éphémères, Jean-Paul Hervé a développé une musique contrastée, dans laquelle les musiciens ont la liberté d’improviser et d’incorporer leur propre expérience de ces espaces de solitude partagée.

Le résultat est aussi plaisant qu’intéressant. Flanquée d’une ossature technique faite de contretemps et de mesures complexes, la musique n’est cependant jamais ésotérique, parce qu’elle est avant tout portée par des mélodies pénétrantes. Elle évoque d’ailleurs moins ces lieux aux cavités industrielles que l’humain en mouvement qui les emprunte. La générosité et la virtuosité de chaque musicien est telle que les morceaux sont riches et captivants. Une telle création était périlleuse, car pointait le risque d’un glissement vers la caricature. Il n’en est rien, la musique que ce disque propose se suffit à elle même et ne s’adressera heureusement pas qu’aux usagers de la ligne B.