Chronique

GoGo Penguin

A Humdrum Star

Nick Blacka (b), Chris Illingworth (p), Rob Turner (dms)

Label / Distribution : Blue Note

Le trio le plus électrisant de Manchester est de retour et n’a de toute évidence nullement l’intention de se reposer, ni de se répéter. Avec ce troisième album, GoGo Penguin plonge tout entier dans l’exploration d’un monde dont il est l’inventeur et qu’il ne cesse de défricher depuis le premier album V2.0, en 2014. Si le groupe est habité depuis toujours par une passion pour l’électro, les méthodes de fabrication qu’il utilise pour exprimer son art sont singulières puisque c’est à partir d’éléments organiques que naissent les sonorités distordues. Le titre qui ouvre l’album, « Prayer », dépouillé à l’extrême et pourtant d’une forte densité, laisse entendre un bourdonnement rendu possible par l’application d’un mètre ruban contre les cordes de la contrebasse.

Dans la même démarche, chaque composition du groupe ne part jamais d’une idée trop précise, ce qui laisse le champ libre à tous les possibles, voire toutes les dérives, comme l’explique le bassiste Nick Blacka : « C’est ce qui est génial dans ce groupe : quelqu’un apporte une idée, ça fait boule de neige et on obtient au bout du compte un résultat que personne n’aurait pu prévoir ». Peut-être que l’atout majeur du trio est qu’il ose tout. Car il faut oser faire jaillir de nulle part une boucle house au clavier, ou encore associer des percussions à des nappes de piano qu’une réverb très prononcée répand partout. Et c’est tant mieux, car ça marche.

Impliqués à 100 % dans leur projet, les trois musiciens prétendent qu’il y a dans cet album un peu plus de chacun d’eux et n’hésitent pas à parler de symbiose, à laquelle le producteur et ingénieur du son Joe Reiser est associé. Enregistré pour la première fois entièrement à Manchester, aux studios Low Four, A Humdrum Star est plus complexe qu’il n’y paraît : microcosme et macrocosme interagissent et se confondent ; à partir de l’intime se dégage tant d’expressivité qu’elle nous tourne vers l’infiniment grand.

Le titre du disque part de l’interrogation éternelle de l’homme : qui sommes nous, si minuscules au sein de l’incommensurable ? Face à cette question à jamais sans réponse, le trio se contente de mettre une idée en musique : que cet incommensurable trouve sa place aussi dans le minuscule. Avec A Humdrum Star, GoGo Penguin gravit la troisième marche d’une ascension qui ne fait que commencer.