Scènes

Impériale prestation qui laisse Koa

Retour sur le concert du GRIO dans le cadre du Koa Jazz festival


Photo Christophe Charpenel.

Après le quartet, l’Orphéon et le Pulsar, la compagnie Impérial continue ses extravagances avec le GRand Impérial Orchestra. C’est ce projet que le Koa Jazz festival avait programmé en quasi-clôture de son édition 2018.

C’est toujours quelque chose que de voir la compagnie Impérial sur scène ; le public montpelliérain qui s’est déplacé au théâtre de la Vignette ce samedi de novembre a très bien fait.

Joachim Florent

Sur scène, ils sont huit mais c’est surtout une belle palanquée de musiciens ingénus qui sont là. Outre Damien Sabatier et Gérald Chevillon - on notera que les deux saxophonistes couvrent la famille de leur instrument du sopranino au basse - on trouve Antonin Leymarie et Joachim Florent, tous membres de l’Impérial quartet, ainsi que Rémy Poulakis, ténor et accordéoniste de l’Orphéon. Mais le projet du GRIO - pour GRand Impérial Orchestra - s’est également adjoint deux trompettistes, en l’occurrence Aymeric Avice et Fred Roudet, ainsi que le tromboniste Simon Girard.

C’est lui d’ailleurs qui, d’une phrase percutante, fait barrir son instrument et entame le concert. C’est lui encore qui va mener un chorus effréné sur le premier morceau, tonique, parfois même explosif. Les souffleurs sont souvent en section tandis que l’un d’eux chorusse. C’est peu dire que celui de Simon Girard déménage et il faut voir le tromboniste incarner physiquement sa musique. Il se meut, se balance d’avant en arrière et de bas en haut au gré des chemins qu’il emprunte. Le morceau est un arrangement d’une mélodie banda linda. Le projet de GRIO - on saisira le jeu de mots - est d’ailleurs assis sur un travail autour de ces musiques africaines et d’un jazz des « années 1970 ». Le souci de (re)mettre au centre une touche plus « jazz » a amené Joachim Florent à troquer la basse électrique - qu’il utilise avec le quartet - pour la contrebasse. Avec Antonin Leymarie, ils sont disposés derrière les soufflants et l’accordéoniste. Ils n’en sont pas pour autant relégués au rôle de rythmiciens. La présence d’un colossal saxophone basse y contribue bien entendu. Mais, là encore, l’usage carrément débridé qu’en fait Gérald Chevillon va très au-delà d’une simple walking-bass, en témoigne le chorus qu’il distille au bec de son monumental saxophone sur « Hilbrow ». En fait, de manière plus générale et surtout structurelle, c’est l’ensemble des instruments qui sont, à la fois et en même temps, rythmiques, harmoniques et mélodiques. C’était déjà le cas - et la patte - du quartet et de l’Orphéon et les spectateurs qui connaissaient le travail de la compagnie ne furent sûrement pas surpris.

Le concert est ingénieux, à l’image du dialogue pittoresque entre le sax basse et le sopranino sur « Hilbrow ». Il s’agit d’une déambulation fantasque et libre, tout à la fois douloureuse et guillerette. Mais quand l’orchestre se remet en branle, c’est une vague puissante et grave qui ébranle la salle.

Au bout d’une heure et demie, on ressort carrément lessivé de ce concert. Les spectateurs sont un certain nombre à mimer un « pffffiou ! » pour dire qu’ils ont été subjugués, et l’on mobilise ses dernières ressources pour aller féliciter l’équipe du Koa Jazz Festival d’avoir programmé ces impertinents qui mêlent avec brio sauvagerie et poésie.