Chronique

Jimmy Scott

Falling in love is wonderful

Jimmy Scott (voc), Ray Charles (p), Gerald Wilson, Marty Paich (arr).

Label / Distribution : Rhino Hand Made

Voilà un album rescapé des profondeurs abyssales de l’oubli, après quarante années passées sous silence. Enregistré en 1962 pour le label Tangerine créé par Ray Charles, ce disque de Jimmy Scott est resté seulement quelques semaines dans les bacs avant d’en être retiré pour une misérable histoire de contrat non résilié avec Savoy, le label précédent de Scott. Suite à cela s’en est ensuivie une traversée du désert d’une trentaine d’années pour le chanteur, avant un retour sur le devant de la scène pleinement accompli aujourd’hui, retour partiellement initié par Lou Reed qui a dit de lui « il a la voix d’un ange et il peut vous briser le cœur ».

La période actuelle, apparemment propice aux octogénaires, est donc idéale pour ressortir une version remastérisée du disque considéré comme celui qui aurait dû lancer la carrière de Scott.

Voilà pour la petite histoire. Et quid du disque lui-même ? Produit et supervisé par Ray Charles, qui interprète également toutes les parties de piano, il se compose de dix ballades piochées parmi les standards de l’époque ou plus anciens. Les arrangements se distinguent par l’inhabituelle lenteur d’exécution, par de grandes envolées romantiques de cordes parfois enrichies d’une flûte, et permettent à Jimmy Scott de placer idéalement sa voix si caractéristique, haute perchée et enrobée de trémolos, toujours volontairement décalée dans le tempo. Cette voix, résultat d’un blocage du développement hormonal, dégage une tristesse peu commune et l’on pourrait jurer que le chanteur va mettre fin à ses jours une fois la chanson terminée. Néanmoins, elle reste l’intérêt principal de cet album qui a tout de même relativement mal vieilli ; les arrangements sont très datés, à l’image de la pochette originale qui atteint les cimes du kitsch. L’album pêche par sa conception même et est victime de sa propre homogénéité : les interprétations des titres sont trop semblables et cette similitude est encore accentuée par le choix de tempos très lents.

Pour découvrir Jimmy Scott, on se tournera plus volontiers vers l’album plus récent (1999), Holding back the years, sur lequel on retrouve l’incroyable puissance émotionnelle de la voix du chanteur - on constatera à l’occasion que sa voix n’a absolument pas changé en quarante ans - sur des titres plus variés (Jealous Guy de Lennon, Slave to love de Brian Ferry, Nothing compares 2 U de Prince entre autres).