John O’Gallagher Trio
Live in Brooklyn
John O’Gallagher (as), Johannes Weidenmueller (b), Mark Ferber (dms)
Label / Distribution : Whirlwind
Scruter la discographie du saxophoniste alto John O’Gallagher, c’est regarder une carte du jazz contemporain américain s’étaler devant ses yeux. Aux côtés du Californien, on a vu entre autres Ben Monder ou Tony Malaby. On a même l’impression d’apercevoir quelques traces de ce dernier dans l’obstination fracassante de « Blood Ties », sur ce Live at Brooklyn. Sur son chemin, on a également trouvé Russ Lossing et Tyshawn Sorey pour un ambitieux Anton Webern Project. Paru il y a quelque temps chez Whirlwind, il transporte le messager de la musique sérielle dans un contexte urbain heurté, comme les friches aux confins des villes. Un attachement à la musique écrite occidentale qu’on sent sourdre dans la beauté traînante de « Credulous Intro ». Ce moment d’introspection soliste lève à peine le voile sur une douceur que la mécanique de précision de la base rythmique se refuse à masquer.
Pour accompagner O’Gallagher, on retrouve des musiciens familiers. Le batteur Mark Ferber, lui aussi californien, est un sideman de luxe pour Lee Konitz ou Steve Swallow. On peut l’entendre parfois en Finlande, où il a notamment enregistré deux disques étonnants avec l’orchestre Moomin Voices [1]. Son jeu discret, sans aucune once de superflu, laisse beaucoup de place à un alto volubile et souvent sanguin (« Extralogical Railman », où il s’offre néanmoins un beau solo). Quant au contrebassiste Johannes Weidenmueller, il écume depuis longtemps les scènes étasuniennes, tant avec le Joe Lovano Trio qu’avec Kenny Wheeler. Dans ce concert, c’est lui qui soutient l’édifice par un jeu sec, plongé directement dans une machine fort bien huilée (« Nothing To It », sans conteste le sommet de ce disque).
Live At Brooklyn est l’occasion de découvrir ici un bien joli trio très soudé dans l’excellente captation d’un concert. Ce nouvel album fait suite à The Honeycomb, sorti quelques mois avant, toujours chez Whirlwind. Le morceau « The Honeycomb », justement, permet de juger des différences : si la version studio est nécessairement plus lisse, cette interprétation ajoute une forme d’urgence, très profitable à un orchestre totalement rodé qui manquait peut-être un peu de cette liberté.