Chronique

John Scofield

Works For Me

John Scofield (g), Kenny Garrett (as), Brad Mehldau (p), Christian McBride (b), Billy Higgins (d).

Label / Distribution : Verve / Universal

En musicien aguerri, John Scofield est une incarnation parfaite de l’urbanité, qualité essentielle du jazz. Toujours à l’affût des nouvelles tendances qui grouillent au sein des métropoles et toujours modeste, respectueux dans son approche, Scofield s’entoure désormais de musiciens qui ont percé la toile médiatique depuis peu. Jusqu’en 1993, Scofield avait son écurie de favoris : Joe Lovano, Jack de Johnette, Charlie Haden ou Bill Stewart. En 1993, Scofield sort un album entièrement dédié au boogaloo-funky accompagné de Eddie Harris et Larry Goldings : des pointures mais la sauce ne prend pas. Hand Jive, est un bide à vite enterrer. Mais le virage est pris, Scofield n’hésitera plus à s’attacher les services de musiciens vivant sans complexe de funk et de blues cinq ans plus tard, Scofield trouve de nouvelles marques avec ces concitoyens new-yorkais John Medeski, Billy Martin et Chris Wood et enregistre A go go. John Scofield est jeune, branché, il prend dans ces valises de tournées de petits jeunes touchant à l’électronique, sort des albums/cdrom - Bump - et tisse sa toile sur le net…

Alors c’est quoi ce retour à l’acoustique ? Lui qui commençait à faire son trou au milieu des consoles et boîtes à rythmes. On se dit que Scofield renoue avec ses formules de la fin des 80’ - Blue Matter, Time on my hands, Meant to be - mais on en est bien loin. McBride couvre tout l’espace de sa grosse contrebasse. Un son chaud et grave trop souvent en 4/4 pour avoir un quelconque rapport avec un Charlie Haden ou un Marc Johnson. Une rythmique solide, donc essentielle pour un Kenny Garrett mais qui bride Brad Mehldau. On connaissait les difficultés de Scofield à composer pour piano - exercice qu’il a trop souvent esquivé - or là, la prise de risque était autre qu’avec Goldings ou Medeski. Mehldau n’étant pas du genre à se cacher derrière des gammes de blues, Scofield ne se frotte jamais en duo avec lui. Cependant les ballades « Love you long time » et « Mrs. Scofield » laissent entrevoir l’alchimie. Sur ces compositions, Kenny Garrett et la rythmique s’estompent pour laisser Scofield et Mehldau se croiser, s’effleurer ; et le quintette trouve alors toute son unité. Scofield aurait certainement plus à développer avec un pianiste tout en harmonique comme Brad Mehldau que dans l’électronique.