Scènes

Journal du Péristyle (Épisode 3)


Samedi 21 juillet 2012
HUMANO A MANO

Marc Wolff, batterie, percussions, basse, claviers, programmation, voix
Thierry Beaucoup, sax ténor et soprano, basse, claviers, programmation, voix. Olivier Sébillotte, son, programmation
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« Humano a mano » aux manettes du concert de ce soir au Péristyle… La soirée sera électro, conduite de « mano » de maître par un trio dont nous ne verrons sur scène que 2 protagonistes : Thierry Beaucoup et Marc Wolff, leur troisième larron ingénieur du son, Olivier Sébillotte, se tenant discrètement près des portes principales de l’Opéra, pour garantir le bon fonctionnement du matériel informatique.

Marc Wolff, dit « le Suisse », secoue sa cloche nationale et le premier set démarre comme on va au boulot avec un « Taylor Spirit » qui évoque le travail à la chaîne par la répétition de motifs au sax soprano solo, ponctués de percussions et d’interventions de la basse. Thierry Beaucoup rajoute ses autres outils (sax ténor, ordinateur), échange la basse avec Marc Wolff… Le principe sera le même pour chaque morceau : il s’agit de créer un tapis sonore en superposant éléments mélodiques et rythmiques, préparés ou improvisés, de manière à mettre en valeur les instruments acoustiques.

« Est ouest 1989 » commence par des extraits du discours de Willy Brandt au moment de la chute du mur de Berlin… Dans le public, des supporters sont venus en nombre, ce qui ravit Thierry Beaucoup. Cet ardent défenseur de la musique vivante répètera que le trio n’a pas de CD à vendre et que sa musique doit se jouer sur scène. Malheureusement, il va devoir trouver un remplaçant à Olivier Sébillote, en partance pour de nouvelles aventures… Ce concert aura d’ailleurs un petit côté jubilé d’adieu pour ce musico-technicien du son, embauché dans le privé…

Sur « L’escargot », j’entends des couleurs venues de Radiohead. Ce morceau a été créé avec une scénographie et des danseurs, mais à part un monsieur très éméché qui apparaîtra pour participer de tout son coeur à l’action, personne n’ose en rajouter.

Nous restons en « Liberté contrôlée », sur l’injonction du quatrième titre dont les accents moyen-orientaux accentuent l’aspect militant du groupe - la défense des faibles et des opprimés, des femmes sous l’emprise des extrémismes religieux. Après les incantations de muezzin, le saxophoniste se défoule, se dédouble… les machines deviennent humaines.

C’est décidé, je reste… Le groupe électro gêne peut-être les inconditionnels de jazz acoustique mais moi, le son d’Humano a mano et ses performances artistiques me plaisent - comme le nom du saxophoniste : Beaucoup !

Quatre titres, toujours très construits, pour un parcours qui débute par « Arabo », dans le pur style oriental ; la voix de Thierry Beaucoup et des enregistrements de voix de femmes se mêlent peu à peu aux tambours, et sur ce tapis volant le soprano s’envole dans de longues mélopées épicées.

Entre Miles Davis et Joe Zawinul, les hommages servent de prétexte à l’expression d’influences éclectiques, mais la patte d’Humano a mano est marquée par la polyvalence technique des musiciens et le mélange des sensations auditives qui provoque une sorte de montée en énergie très efficace. Le public ne s’y trompe pas, et participe même activement. Sur le 3ème morceau, les musiciens invitent des volontaires à monter sur scène et enregistrer leurs voix. Un batteur rejoint Thierry, Marc et Olivier, et de spectateurs, certains deviennent acteurs d’un soir sans l’avoir prévu.

La température grimpe d’un coup et - oreilles chastes s’abstenir - nous voici en « Love Position », le titre qui conclura le set. Nettement plus « clubbing », il lui ne manque que l’ambiance lumineuse stroboscopique pour qu’on s’y croie tout à fait. Les machines et les corps s’entremêlent, dans un échange doux et progressif et une montée en puissance suggestive. A la voix, Thierry Beaucoup nous glisse un petit « Love to love you baby » à la Donna Summer et je suis définitivement conquise…

Jeu, set et patch !

Troisième set, 22h 15. Le monsieur éméché – toujours le même -, danse avec de plus en plus de conviction et invective à la fois les musiciens et les spectateurs, mais sans réussir à déconcentrer le groupe, qui ressert des morceaux déjà interprétés en début de soirée, à l’exception de « DJ Ridoo ». « Aborigène ! Relève toi ! Aborigène ! Rebelle toi ! » C’est l’appel à la révolte lancé aux petits, aux colonisés, sur un mode 100% rock électro : Beaucoup chante et « crie au Wolff », circule entre la basse, les claviers, les sax…

Ces chercheurs de sons militants dans l’âme remercient plusieurs fois le public, émus et ravis de jouer devant un parterre fourni. François Postaire, grand manitou du festival, leur fait confiance dès le début. Reste maintenant à espérer que leur projet musical se poursuivra, avec ou sans Olivier Sébillote…