Scènes

Il fait bon vivre à Anglet

Retour sur l’édition 2019 de l’Anglet Jazz Festival


Bojan Z et Julien Lourau (c) Pierre Vignacq

Quatre jours de festival à la fin du mois de septembre au cours de laquelle le trio de Paul Lay et le duo entre Bojan Z et Julien Lourau furent les deux concerts marquants.

Il fait bon être à Anglet. L’océan, les grandes plages, les paysages basques tout de blanc, vert et rouge, tout est très agréable et le festival de jazz semble avoir pris très naturellement sa place chaque année au mois de septembre. C’est une manière d’y continuer l’été. Sur quatre jours, à raison de deux concerts par jour en soirée et d’un dimanche sur l’herbe où se succèdent en journée trois formations, le jazz est là, sans autre objectif que de proposer de la belle musique. Cette année, la pluie s’invitant, « Jazz sur l’herbe » s’est finalement déroulé dans le théâtre du Quintaou. Ce n’est pas l’esprit de la journée de clôture que les organisateurs ont conçue comme un moment à la fois musical et récréatif dans le parc de Baroja. Mais quand on trouve, le trio de Yonathan Avishai ou encore Human Songs, on se dit que la métamorphose en un concert au théâtre sera de toute manière tout à fait adaptée.

Paul Lay trio (c) Pierre Vignacq

L’édition 2019 était faite d’une très belle affiche puisqu’on y trouvait le septet de Diego Imbert, Thierry Eliez en trio avec André Ceccarelli et Ivan Gélugne, Bojan Z en duo avec Julien Lourau et Paul Lay en trio. Chaque soir deux concerts donc. Ce dernier vendredi estival restera longtemps dans les mémoires des spectateurs. Il n’y avait qu’à voir comment, à l’issue du concert de Paul Lay, la salle s’est levée comme un seul homme, applaudissant à tout rompre, pour comprendre qu’il s’était passé là quelque chose de fort. Il faut dire que le projet de Paul Lay, en trio avec le contrebassiste Simon Tailleu et, surtout, la chanteuse Isabel Sörling, est superbe. Surtout car c’est elle qui est en avant, figure de proue de ce navire aux lignes délicates. Le projet est un répertoire monté à l’occasion des 100 ans du jazz avec des reprises de chansons populaires américaines depuis la guerre de Sécession jusqu’aux années 1960. Dans le théâtre, on goûte chacune d’elles avec délices. Bien entendu, quand les musiciens se retirent, le public, debout, tonne, siffle, en redemande. On ne redescend pas comme ça d’une aussi belle poésie. Le bis sera une reprise de « Ain’t got no », revisitée maintes et maintes fois et dont la version originale, en l’occurrence celle de Nina Simone, reste l’étalon-mètre. Celle du trio est impressionnante et, sur ce morceau comme sur les autres, la prestation d’Isabel Sörling abasourdissante. Le public en redemande une fois encore, fort, très fort même et il faudra que Paul Lay annonce Bojan Z, « un pianiste que j’admire depuis que je suis adolescent », pour que les spectateurs envisagent de passer à la seconde partie de la soirée.

Bojan Z et Julien Lourau (c) Pierre Vignacq

Le duo entre Bojan Z et Julien Lourau est une vieille formation. La complicité musicale bien entendu unit les deux musiciens. Mais il y a autre chose, un élément qui fait basculer le concert du registre du beau au superbe. Ce ne sont pas les qualités techniques non plus, même s’il y a de quoi être complètement éberlué. Ce qui laisse baba, c’est le volume du jeu, les polyrythmies, les phrases nerveuses qui donnent un cachet plus sauvage, plus rêche, plus méchant aussi. Même lorsque le duo joue une ballade, en l’occurrence « Seeds », il y a une patte farouche, une esthétique brute, presque grège. Et pourtant, la tendresse est bien là, et pas seulement sur « Tender » que Bojan Z et Julien Lourau jouent pour le rappel.