Chronique

Justin Clarke Tranzient Ensemble

Permanent Transience

Justin Clark (btb), Fiona Kraege (vln), Shigeru Ishikawa (b), James Alexander (p), Didier Metrailler (dms, perc), Loic Defaux (Mrb, Vib, Perc)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

Américain installé en Suisse depuis qu’il fait partie de nombreux orchestres classiques, tel l’orchestre symphonique de Berne, Justin Clarke a voué sa carrière au trombone basse, instrument souvent relégué aux pupitres éloignés mais auquel la musique contemporaine a su donner un répertoire. Curieux, insatiable, dès son arrivée en Europe il a aussi étudié la musique de la Renaissance, ce qui a considérablement élargi la palette d’un instrument dont il est l’un des spécialistes mondiaux. C’est ce portrait que trace Permanent Transience, premier album du Tranzient Ensemble. Cette formation à géométrie variable se compose de nombreux musiciens internationaux résidant en Suisse, et sait passer en un instant - avec la même aisance - de la Renaissance au funk new-yorkais.

Indéniablement, Clarke s’amuse à la tête de cet ensemble étrange. Sur « Possente Spirto », tiré de l’Orfeo de Monteverdi, on songe à Michel Godard, à cette obsession des voix dans l’instrumentarium choisi. La douceur chambriste du vibraphone de Loïc Defaux permet au dialogue courtois entre le violon de Fiona Kraege et la contrebasse de Shigeru Ishikawa de se développer en toute quiétude. On aimerait s’attarder dans ce brillant climat, mais déjà il nous faut le quitter… Plus loin, sur le « Cappricio » de William Penn, le trombone profond et tranchant se lance dans une discussion avec le vibraphone ; l’opposition de timbres construit une rêverie fugace et changeante, formule que l’on retrouvera sur « New Orleans » avec le pianiste James Alexander.

Rien ne dure ici, et pourtant, à tout moment il faut varier, revisiter, permettre à toutes les textures de s’exprimer dans la largeur, servies par la précision des arrangement de Clarke (« Without »). La star reste tout de même cette coulisse des tréfonds qui conduit Clarke à embrasser ce large répertoire, du compositeur suisse contemporain Daniel Schnyder, avec qui il a travaillé un concerto pour trombone basse (le « Subzero » qui ouvre l’album) jusqu’à Eugène Bozza, lequel a écrit de belles pages pour cet instrument. On pourra regretter, à l’écoute du saisissant « Syrinx » de Debussy et de sa douce atmosphère pointilliste, que Clarke ne se soit pas lancé dans l’aventure soliste. Ailleurs, on souhaiterait plus de place pour ses comparses. Autant de bonnes idées dans ce « transitoire permanent », qui mériterait toutefois un peu plus de cohérence.