Chronique

Kenny Barron

The Source

Kenny Barron (piano)

Label / Distribution : Artwork Records

Trente ans après son dernier album solo, Kenny Barron nous offre avec The Source un nouveau solo, enregistré à Paris en 2022. Réunissant neuf morceaux dont deux de Monk, cet album nous entraîne dans les traces de ceux qui l’ont inspiré et de ce qui l’a inspiré. Néanmoins il va bien au-delà d’une simple démonstration de son talent. Arrivé à ce stade de sa carrière, ce grand interprète et éminent pianiste a en effet déjà prouvé à maintes occasions son génie. Avec cet enregistrement, Kenny Barron semble se servir de sa virtuosité pour se faire plaisir et faire plaisir à son public. On sent aussi bien le contentement de jouer seul face à son piano que le désir de créer du ravissement chez ceux qui l’écoutent. Quand Kenny Barron joue avec d’autres musiciens, il leur laisse beaucoup de place, les accompagne. Ici, il se laisse de la place à lui-même.

Ce CD s’ouvre sur « What If ». Morceau très intense avec un thème mystérieux qui se développe sur un ostinato de huit notes et qui semble faire allusion à « Friday the Thirteenth » de Monk. Barron y introduit toutes sortes d’idées rythmiques, de jeux entre les deux mains, d’intensité dynamique. C’est une ouverture parfaite pour un tel album.

Les deux suivants, « Isfahan » et « Teo », sont d’excellentes interprétations de ce compositeur inventif. « Daydream » démarre de manière très douce, très aérée, presque étirée, pour gagner en densité au milieu et se conclure dans le même esprit qu’au début. Le musicien se laisse vraiment emporter par la musique. « I’m Confessin » est une version assez sobre et très classique, sans pour autant tomber dans la redondance car son jeu est d’un très haut degré. « Dolores Street » est une ballade dans laquelle prime de manière très originale sa complexité rythmique. « Well You Needn’t » de Monk est interprété avec de véritables variations autour du thème. Il semble toujours tourner autour de la forme, redémarrer à chaque fois pour n’apparaître intégralement qu’à la fin, en guise de conclusion. Par cette interprétation propre à Kenny Barron, on entend sa virtuosité, mais aussi son inventivité mélodique et harmonique. « Sunshower » est une ballade latine, quelque peu répétitive. Enfin, « Phantoms » est le morceau idéal pour conclure un album qui s’intitule The Source.

Tout du long, on entend un musicien qui dévoile sa complexité et son introspection à travers une méditation, précisément sur les fantômes qui l’ont inspiré, qui ont parcouru ou croisé sa route. On écoute cette méditation à travers son jeu très dense et très subtil, plein d’idées implicites qu’il ne développe pas, mais qui lui servent à pointer vers d’autres directions comme pour aller à la rencontre de ces fantômes. Hautement recommandé.