Chronique

[LIVRE] Isabelle Leymarie

Dizzy Gillespie

Une pianiste, musicologue, spécialiste des musiques latino-américaines ne pouvait passer à côté de Dizzy Gillespie sans réagir ! En 1998, Isabelle Leymarie publiait donc logiquement une biographie du trompettiste, rééditée en 2004.

Il y a évidemment maintes manières d’aborder l’exercice de la biographie. On peut raconter la vie du personnage avec moult anecdotes, comme François Billard dans sa passionnante histoire de Django Reinhardt. Certains font un roman de la vie des musiciens, à l’instar de Dorothy Baker avec celle de Bix Beiderbecke dans Le jeune homme à la trompette (traduit par Boris Vian). D’autres s’attachent à l’évolution musicologique, à l’image d’un André Hodeir dans « Charlie Parker et le mouvement ’bop’ » (in Hommes et problèmes du jazz). D’autres encore essaient de rapprocher la vie des artistes de leur démarche musicale - c’est, d’une certaine manière, la voie adoptée par Laurent de Wilde dans son excellent Monk. Enfin, d’aucuns choisissent l’angle purement chronologique, factuel et essentiellement centré sur la carrière des musiciens : ce sont la plupart des biographies publiées dans la collection « Librio Musique ». Et c’est précisément ce chemin qu’a emprunté I. Leymarie pour raconter Dizzy Gillespie.

L’auteur s’est parfaitement documenté (on n’en attendait pas moins d’une professeure de Yale !), et la carrière du trompettiste est décortiquée à travers ses principaux concerts, bœufs, enregistrements, tournées, etc. Les lieux, musiciens, amis, morceaux clés… tout cela est exposé avec une abondance de détails qui tourne parfois un peu à l’énumération. Ces énumérations risquent de passer au-dessus du lecteur non averti. En outre, on aurait aimé quelques détails musicologiques mettant davantage en relief l’apport de Gillespie au jazz.

Le style de Leymarie tient plus du journalisme que de l’essai universitaire : vivant et direct, il rend la lecture de Dizzy Gilespie rapide et agréable. A noter un petit lapsus page 109 : Hugues Panassié et ses « figues moisies » traitaient Charles Delaunay et sa bande de « raisins aigres » plus que de « raisins verts ».

On appréciera les photos qui égaient le texte, mais on regrettera que leurs légendes ne soient pas toujours complètes. De même, les crédits pourraient être plus explicites : par exemple, le « X » qui a pris la photo de Roy Eldridge (page 19), c’est Herman Leonard… Un index des noms propres et des titres de morceaux cités dans le livre, ainsi qu’une liste des sites de la Toile dédiés à Gillespie auraient complété judicieusement cette intéressante bibliographie. Par ailleurs, une discographie exhaustive et une chronologie récapitulative auraient été les bienvenus. Bien entendu, un disque (comme dans l’édition de 1998 chez Vade Retro) ou, encore mieux, un film avec quelques morceaux commentés eût été la cerise sur le gâteau…

Les amateurs de mythes seront déçus : point d’anecdotes croustillantes à se mettre sous la dent ! Mais ce Dizzy Gillespie est une biographie sobre, complète et efficace que tout auditeur appréciera pour son luxe de détails.

par Bob Hatteau // Publié le 1er mai 2006
P.-S. :

Buchet - Chastel. 186 p. Prix indicatif : 18 €.