Scènes

La Grande Bibliothèque de Franck Avitabile

Le temps d’un week-end, face à la BNF, quelques spectacles impromptus… dont celui du pianiste Franck Avitabile.


Le temps d’un week-end estival, les 26 et 27 septembre 2009, Paris fêtait les sorties culturelles de l’année. Le long des quais de Seine, face à la Bibliothèque Nationale de France, tout ce qui compte en matière de théâtres, compagnies, cirques, musées était venu rencontrer le public en lui dévoilant leur programmation à venir. L’occasion aussi d’offrir quelques spectacles impromptus. C’est là que nous avons rencontré le pianiste Franck Avitabile.

Une demi-heure, pas une minute de plus, tel était le temps imparti à Franck Avitabile pour partager sa musique avec la poignée de spectateurs venus le rejoindre dans le petit auditorium de la Bibliothèque François Mitterrand. Il est vrai qu’un été indien un peu magique, franc soleil et chaleur, n’était pas de nature à les inciter à rejoindre la salle et à venir se réfugier dans les entrailles du lieu… Les absents auront eu tort.

Une courte prestation solo, donc, et six compositions pour la plupart extraites de ses deux derniers albums, Short Stories (2006) et Paris Sketches (2009) [1] : « Three Colours », « Twisted Nerve », « Sun Waltz », « Trois Gros », « Childhood Memory ». Avec cet exercice en solitaire, c’est toute la dimension romantique de sa musique qui est ainsi mise en évidence. C’est aussi la démonstration sans ostentation d’un jeu tout en nuances, d’une subtilité charmeuse et surtout, d’une précision qui en dit long sur son cheminement. On se régale au spectacle de ces mains qui aiment occuper tout l’espace du clavier, et on devine sans mal qu’il s’est autant nourri de ses pères jazzmen que des compositeurs de la fin du XIXe et du début du XXe. C’est Debussy et ses Children’s Corner [2] qui viennent lancer un clin d’œil à Bud Powell et Bill Evans, en quelque sorte. Ces rencontres sont l’essence même de la musique : « Le classique apporte l’ouverture, la diversité. Le jazz ne peut pas se nourrir que de jazz. Aujourd’hui, par exemple, il y convergence entre la musique contemporaine et le jazz contemporain. D’ailleurs le jazz est bien la musique classique du XXè siècle ! », voilà ce que confiait en 2007 Franck Avitabile à Citizen Jazz… Clin d’œil au travail effectué voici peu de temps au Sunset en hommage à Boris Vian, il conclut ce mini concert par un « Déserteur » dont on sait qu’il apprécie la grille harmonique, s’étonnant même que cette chanson n’ait pas été plus souvent reprise par les musiciens de jazz.

Et c’est pour le plaisir de tous – des enfants en particulier – qu’il revient en rappel pour une « Surprise » : au public de choisir quatre notes à partir desquelles il improvise quelques minutes de musique en toute liberté. Celle d’un artiste qui, à défaut d’être totalement satisfait de l’accordage de son piano, démonte une maturité épanouie.

par Denis Desassis // Publié le 26 octobre 2009

[1Les deux ont paru chez Dreyfus.

[2Un petit raccourci souriant pour souligner ici que ses enfants étant dans le publics.