Chronique

Le String’Blö

March For Nature

Lino Blöchinger (bs), Sébastien Strinning (bcl), Roberto Domeniconi (Fender Rhodes), Reto Eisenring (dms)

Label / Distribution : Veto Records

Le String’Blö, c’est l’alliage assez ancien de deux multianchistes suisses : Lino Blöchinger d’un côté, découpeur en chef au saxophone basse et allumeur de mèches à l’alto et Sébastien Strinning, dont la clarinette basse est une sorte de clé de voûte de ce nouvel ensemble, pur produit de Veto Records. L’appartenance au label de Lucerne induit plusieurs qualités que l’on retrouve ici : un attrait pour un certain son électrique palpitant que ne renierait pas le rock… Il s’incarne ici dans le Rhodes de Roberto Domeniconi qui nous avait habitués à des approches plus sereines. Qu’importe, « March For Nature » est plein de chausse-trapes et de racines qui dépassent, notamment lorsque l’alto s’excite aussi soudainement que sauvagement. La nature, ce ne sont pas que les petits oiseaux ; ou alors ils sont devenus voraces.

C’est exactement ce que l’on pense quand Domeniconi s’écharpe avec la basse d’Urban Lienert, que les familiers de la scène suisse auront déjà entendu avec le pianiste Hans-Peter Pfammatter dans le trio Stolp. Tout cogne, mais ne laisse pas moins passer des moments de douceur, comme autant de clairières. C’est justement le rôle de Strinning, plus apaisé, ce qui ne signifie pas moins strident. Mais il rattache le quintet à une mélodie plus chaleureuse que vient ponctuer le Rhodes, peu à peu dompté, malgré la batterie qui rôde.

Reto Eisenring est l’architecte discret de ce March For Nature. Il donne la pulsation comme d’autre respire. Lorsque vient « Bonobo », il induit effectivement une déambulation. Ce n’est pas une marche, c’est un état de nature. Lorsqu’il stoppe, dans « Peacock », animal moins volubile et plus craintif, les soufflants sont comme plongés jusqu’au torse dans un marécage. Blöchinger fait des vagues, se débats, et l’impression d’un sable mouvant prédomine. C’est l’électricité, virulente, qui fera remonter tout le monde à la surface, et fait courir le paon comme un oiseau sans tête qui aurait inventé la roue. Le String’Blö est un orchestre compact et inventif qui poursuit une tradition helvète qu’on serait tenté de targuer de libertaire. Dans une nation faite de paradoxe, rien ne serait moins étonnant.