Chronique

Looty Trio

Boxers Rebellion

Sebastian Strinning (ts), Marc Unternährer (tu), Valeria Zannger (d).

Label / Distribution : Aut Records

Looty est un chien mal peigné. Le trio de Lucerne qui propose Boxers Rebellion a les oreilles tombantes, jamais loin d’une attitude punk et d’une décontraction de power trio revenu de toutes les modes. Proche de Gerry Hemingway (le saxophoniste Sebastian Strinning a travaillé avec lui sur Witches Butter, la batteuse Valeria Zannger a également joué avec son homologue), le trio propose une musique ouverte et nerveuse qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère de leurs compatriotes de Tres Testosterones ou, avec un intrumentarium identique, des Franco-Belges de Trio Bravo (« March For Nature II »). Le tuba de Marc Unternährer est en effet au centre d’un orchestre très mouvant, cherchant sa puissance dans son impulsivité. « Boxers Rebellion », que la pochette illustre, en est le symbole : la batterie de Zannger est à la fois ferme et calme, elle s’appuie sur la tournerie du tuba pour proposer une rythmique en mouvement, incroyablement souple.

Looty, nous apprennent les notes de pochettes, était le nom du pékinois offert à la Reine Victoria après la Révolte des Boxers. Il y a dans la musique du Looty Trio quelque chose de sauvage et de désobéissant qui se cacherait bien, enfoui dans les gènes hérités du loup de cette boule de poils miniature. Écoutons le chaos de « Gundog » pour nous en convaincre : la batterie est explosive, échauffée par un tuba nerveux et bondissant. Sur cette rythmique puissante et brute, le ténor de Strinning s’en donne à cœur joie, pas très éloigné de ce qu’il proposait avec Tim Daisy sur le label de Christoph Erb. Le saxophoniste, qu’on a entendu dans des orchestres plus abstraits en compagnie de Frantz Loriot, est ici l’artificier en chef, notamment dans le très nerveux « Einerline ».

Proposé par le label berlinois Aut Records qui porte un regard très aiguisé sur la musique improvisée de toute l’Europe, Boxers Rebellion est une sorte de concentré de tout ce que la scène helvète peut proposer en matière de musique indocile et créative. On notera avec une attention toute particulière le nom de la percussionniste Valeria Zannger, dont le travail est ici précieux. On s’intéressera notamment à son autre trio proto-punk Kadeemka en compagnie de Hans-Peter Pfammatter et Valentin Baumgartner, après avoir flatté le fidèle mais indocile toutou évoqué par le Looty Trio.