Chronique

Leïla Martial

Dance Floor

Leïla Martial (voix), Eric Perez (dm, sampling, voix), Jean-Christophe Jacques (ts, ss), Laurent Chavoit (basse)

Label / Distribution : Harmonia Mundi

Cela commence à se savoir : le printemps nous a apporté une voix nouvelle, à la fois fraîche et longuement mûrie par le travail, de caractère instrumental mais sans refuser le chant ouvert et déployé : celle de Leïla Martial. On avait bien noté le 3e prix au Concours de La Défense en 2009 pour le groupe, qui s’appelait alors « Mime et Phonium », et surtout le premier prix de soliste, la même année, pour Leïla Martial. Mais il aura fallu ces deux années de cheminement pour que naisse le petit bijou qui se nomme Dance Floor, en même temps que le groupe, qui n’a pas changé, efface son nom derrière celui de la chanteuse.

Le travail collectif est manifestement à son meilleur niveau, et prouve une fois de plus que le temps permet l’éclosion de formes rythmiquement et mélodiquement très au point pour peu que l’on suive la ligne qu’on s’est donnée sans dérobade. Les compositions d’Eric Perez, le rythmicien, sont plutôt sur le versant mélodique, cependant que celles de Leïla montrent une passion évidente pour la construction rythmique. Belle complémentarité, sensible tout au long de la matière musicale du disque. La complicité est également très sensible entre les saxophones de Jean-Christophe Jacques et la voix : unissons d’une virtuosité époustouflante ou simple contrechants viennent souligner une très rare façon de traiter la voix comme un instrument sans pour autant effacer le chant qui s’y déploie. Excellent pilier rythmique, Laurent Chavoix manifeste une très solide présence. Des standards de sa prime jeunesse, Leïla a conservé le « Left Alone » de Mal Waldron, et elle a eu bien raison ; le reste se déplace entre le groove de « Dance Floor » ou de « Toc », superbement assumés, la douceur de « Matin d’automne », les envolées crescendo de « Quitte la cape », l’ambiance enfantine de « Petite fêlure » et la longue aventure de « Voyageur… », qu’il faut écouter jusqu’au bout (il y a une surprise après la fin…).

Leïla Martial assume une fragilité qui n’est pas inconstance (au contraire), fragilité vocale peut-être, qu’on ne ressent jamais dans le présent disque ; elle a trouvé une voie originale entre projection de soi sur scène et constructions vocales délicates, et prend donc place dans le cercle (pour moi assez fermé) des chanteuses dont on attend chaque concert. A suivre donc, et de très près.