Scènes

Les Sons de la Vie : Dehors à l’Opéra

De la Flûte enchantée à Carmen, la « petite histoire » de Laurent Dehors avec l’opéra n’est pas nouvelle…


De la Flûte enchantée à Carmen, la petite histoire de Laurent Dehors avec l’opéra n’est pas nouvelle. Ce soir-là, à l’Opéra de Rouen, c’est une foule curieuse et enthousiaste qui vient découvrir la nouvelle création du saxophoniste et de son orchestre Tous Dehors, les Sons de la Vie, présentée dans le cadre de la manifestation nationale « Orchestre en fête ».

Ce n’est pas la première fois que Tous Dehors franchit les portes de cette salle beaucoup plus démocratique qu’on voudrait le faire croire. C’est sur ses planches, déjà, qu’avait été créée Carmen. Mais ici, c’est la musique écrite par Laurent Dehors qui est accueillie par Frédéric Roels, jeune directeur qui a su donner un nouveau souffle à cette institution cinquantenaire. Les sons de la Vie est un poème symphonique qui permet un frottement entre le big band et l’orchestre de l’Opéra. Il illustre la vie « du premier jet au dernier souffle », comme l’explique Dehors dans une introduction pleine d’humour.

On découvre une musique à la spatialisation travaillée, sculptée par le piano de Matthew Bourne. Les échanges centraux entre cordes et vents abolissent les frontières entre les deux orchestres. Cela permet d’inédites combinaisons sur lesquelles se bâtit la musique de Dehors, notamment clarinettes et hautbois qui révèlent parfois un tropisme zappaïen (« Gestation ») ou entre le pupitre de bassons et le saxophone basse de Gérald Chevillon. On retrouve le goût de Laurent Dehors pour l’architecture des timbres et les poussées soudaines. Elles peuvent atteindre leur paroxysme avec un « Disco » facétieux et réjouissant où s’illustre le batteur Franck Vaillant, nouveau venu dans Tous Dehors, dont l’entente avec le joueur de timbales Pierre Bajard est détonnante.

Les sons de la vie utilise avec bonheur la large palette offerte par cles deux orchestres, avec la patte iconoclaste de Dehors (« J’ai trois ans et je dis non », rythmé par les clés des banjos de Denis Chancerel et David Chevallier et repris par les pupitres de cordes…) et la direction périlleuse de Samuel Jean. Par instants, de petites bulles d’émotion prennent le dessus sur le pétrissage de la pâte orchestrale : un échange entre le pupitre de clarinettes et celles de Tous Dehors ; un trio magique entre Dehors, Bourne et le trombone assourdi de Bastien Stil ; un solo de scie musicale (Catherine Delaunay) sur « La fin de l’été », déjà entendu sur Happy Birthday… Ce sont ces petites formes qui donnent toute leur licence poétique aux Sons de la Vie. Un spectacle revigorant.