Chronique

Jérôme Sabbagh

I Will Follow You

Jérôme Sabbagh (ts, ss), Ben Monder (g), Daniel Humair (dms)

Label / Distribution : Bee Jazz

Après deux albums en quartet très remarqués, le saxophoniste Jérôme Sabbagh propose avec I Will Follow You une rencontre en trio avec deux fortes personnalités, le batteur Daniel Humair et le guitariste Ben Monder, basé à New York comme lui - d’ailleurs, ils jouent régulièrement ensemble depuis six ans. Une solide formation qui permet de mettre en valeur une musique massive ainsi que la sonorité particulière de son ténor, puissante et ronde, qu’il troque parfois pour un saxophone soprano avec la même sensibilité feutrée.

« I Will Follow You », qui ouvre l’album, donne le ton de l’ensemble. Humair construit une atmosphère sur la musicalité de ses fûts pendant que Monder travaille une nappe hargneuse que l’on imagine capable d’exploser à tout moment, ce qu’elle ne manquera de faire, au gré d’un jeu de pédales particulièrement raffiné. Autour de cela, Sabbagh s’enroule avec une légèreté rendue presque inquiétante par sa faculté de trancher avec la nervosité environnante. Plus que de la tension, il s’agit d’une concentration extrême dans la volonté de suivre l’autre, de coller au plus près d’une improvisation collective très précise et menée sans emprise prédominante d’une des pointes du triangle.

Bien sur, Humair et Monder construisent un environnement très dense qui permet à Sabbagh de s’épancher - c’est patent sur « Come With Me » ou « We Play Then You Play », même si ce dernier morceau offre une bouillonnante échappée électrique du guitariste, qu’il réitèrera sur le très puissant « Rahan ». Le travail de Monder sur l’album est remarquable. Sur des morceaux plus épurés, (« Comptine » ou le fort justement nommé « Apaisé »), ses nappes apportent une touche ténébreuse qui imprègne l’album. Quant à Humair, on perçoit au fil de ses récentes prestation en trio une volonté croissante de ne plus transiger avec la liberté et sa musicalité. Son jeu est foisonnant et coloriste, il travaille le son et habite l’espace tout en jouant avec dépouillement autour de la pulsation. Ce sentiment de liberté donne à l’album toute sa puissance, ainsi que la lumière si particulière qui surgit de l’écoute mutuelle et de l’improvisation entre ce trois grands musiciens.