Chronique

Les comptes de Korsakoff

Ghost Train

Geoffrey Grangé (elb, voc), Guillaume Pluton (tp, arr), Diego Fano (as), Paco Andreo (euphonium, tb), Marie-Claude Gondamin (cello), Olivier Valcarcel (g), Christophe Blond (p), Quentin Lavy (dms)

Label / Distribution : Puzzle

Puisqu’avec Les comptes de Korsakoff, tout tourne autour des histoires, peut-être faut-il commencer par évoquer la leur. Si la formation, dans sa forme actuelle, bénéficie d’une instrumentation fournie, c’est à l’origine la paire rythmique constituée de Geoffrey Grangé (basse et voix) et Quentin Lavy (batterie) qui en est le noyau. Leur premier disque Coupe Gorge attestait de la capacité à occuper le terrain à deux, en délivrant, par le biais d’une rythmique puissante mêlant jazz et rock fusion, des morceaux évoquant parfois des groupes comme Primus ou Tomahawk, mais avec un humour baroque décalé. Bientôt rejoints par la violoncelliste Marie-Claude Gondamin, les deux musiciens ont enrichi leur palette sonore. L’addition de nouvelles sonorités semble motiver l’évolution d’une écriture qui se fait de plus en plus colorée, avec la mise en place d’ambiances qu’autorise un groupe désormais étendu comprenant instruments à vent, piano et guitare.

Ghost Train associe à un socle toujours marqué par une forte présence rythmique et le chant habité de Geoffrey Grangé des nuances en termes de grooves et d’atmosphères. Toujours au centre du propos, les chansons sont habillées, introduites, développées, les mélodies déclinées, recyclées dans l’improvisation, et l’écriture enrichie de ponctuations, de décalages ou de lentes mises en tension, comme sur « Hour Of The Wolf », où la rythmique et la trompette de Guillaume Pluton émergent peu à peu d’une introduction brumeuse, voilée.

Les Comptes de Korsakoff sont des raconteurs. La suite en trois parties « Le Projectionniste", logiquement intégrée au répertoire de Ghost Train puisque le personnage constitue un point de départ de cette aventure, montre combien la musique du groupe fleurit. Les voix contrastées, l’ambiance sombre du démarrage bousculée par de vifs accès d’enthousiasme, les riffs chauds, la mélancolie qui se profile sur les cordes frottées du violoncelle, les brèves dissonances qui s’effacent devant la mise en place de figures rythmiques qui propulsent l’énergie collective, la sensibilité et l’humour sont autant de caractéristiques qui nous incitent à recommander l’écoute de ce programme singulier, source d’images.