Louis Sclavis « Lost on the Way » - Studio de l’Ermitage
Louis Sclavis et son quintet présentaient le 11 mai 2009 leur dernier disque à un public plus qu’enthousiaste. Un événement très attendu.
Le 11 mai 2009 au Studio de l’Ermitage, Paris. Salle comble et climat orageux rendent palpable l’excitation du public de l’Ermitage ce soir-là. Verdict : les morceaux de « Lost on the Way » sont aussi captivants sur scène.
- Louis Sclavis © F. Journo
Ce 11 mai, l’Ermitage a des airs de fête. Musiciens et amateurs de jazz se sont donné rendez-vous pour écouter sur scène la nouvelle œuvre de Louis Sclavis et de son quintet fraîchement remanié, qui se compose désormais - outre Sclavis aux clarinettes et aux saxophones - de Matthieu Metzger au saxophone, Olivier Lété à la basse, Maxime Delpierre à la guitare et François Merville à la batterie. Premier titre : « De Charybde en Scylla ». (Le leader annoncera ensuite, entre quelques plaisanteries pince-sans-rire, « Le sommeil des sirènes », « L’heure des songes », « Les doutes du cyclope » ou encore « L’Absence ».)
Lost on the Way, construit autour de l’Odyssée et de la figure d’Ulysse, se veut tout en errements et fulgurances. La manière a évolué par rapport à l’excellent Imparfait des langues. Les morceaux intègrent davantage d’éléments étrangers et de sonorités traditionnelles entièrement refondues à l’intérieur de compositions originales mais qui gardent la même énergie, la même intensité, la même tension palpable à chaque instant. Sur scène, tout cela se vérifie à merveille. Les thèmes qui organisent les pièces surgissent dans l’espace sonore sans crier gare ; ils sont comme des orages de notes en chute libre, s’abattant à toute vitesse sur l’auditeur. Sclavis et Metzger les prennent généralement à l’unisson, puis dissocient leurs parties sans crier gare : prouesse impressionnante d’un point de vue technique tant les phrases sont ici complexes et tortueuses. Derrière, Lété et Merville assurent une rythmique sèche : le batteur avec élégance, sans effets de manche, le bassiste plus exubérant, plus spectaculaire. Delpierre varie avec souplesse le rôle qui lui est dévolu au sein de cette formation, tantôt en appuyant la rythmique, économe, la main droite diaboliquement précise, tantôt en saupoudrant les accalmies d’arpèges atmosphériques, quand il ne fait pas jaillir l’électricité - larsens et dissonances - notamment dans les moments où le groupe expérimente en roue libre. Le jeu collectif est ramassé, sans fioritures : les rares chorus ne sont jamais démonstratifs mais l’occasion de se mobiliser ensemble pour se concentrer à nouveau et relancer le mouvement à partir d’une proposition individuelle. On mesure alors à quel point les cinq musiciens s’entendent, et avec quelle force se vérifie l’axiome : un groupe est toujours supérieur à la somme de ses parties.