Laura Perrudin
Studio de l’Ermitage
Photo Ch. Charpenel
Paris, le 7 avril. La jeune harpiste présente son premier album, Impressions (après un EP en 2013, Profane Cookery), avec une émotion non feinte, lors d’une fraîche soirée de printemps sur les hauteurs de Ménilmontant.
Ce titre rend hommage à la suite de poèmes d’Oscar Wilde chantée et mise en musique dans l’album, précise d’emblée la musicienne. Des « impressions » qui parcourent aussi son visage et sa peau sur la pochette du disque, comme pour en imprimer la symbolique jusque dans le visuel choisi.
Laura Perrudin joue sur une harpe très particulière, réalisée par le luthier Philippe Volant et dite « chromatique à cordes alignées ». Contrairement aux harpes d’orchestre à pédale, elle possède une corde pour chaque demi-ton. Comme sur un clavier de piano, disons. L’instrument sur lequel Laura Perrudin joue ce soir là semble en être la jeune version électrique. Jeune aussi le quartet (clavier, basse, batterie) qui l’accompagne. Beaux, habillés, un peu guindés, ils sont complices depuis cinq ans déjà : sur scène, la troupe fonctionne sans accroc.
Laura Perrudin convoque de nombreux auteurs de poésie anglophones : James Joyce, W.B Yeats, Oscar Wilde, Lord Byron répondent à l’appel. Une trame littéraire qu’elle commente régulièrement pour proposer des clefs aux spectateurs attentifs, qui s’en saisissent volontiers. Couleur, nuance, mise en forme du sensible : les leitmotive de ces symbolistes résonnent fortement dans les compositions. En témoignent le morceau inspiré par “The Meditation of the Old Fisherman” de Yeats, texte à la mélancolie de rigueur : un vieux pêcheur pleure le temps perdu où les poissons étaient plus frétillants. Le pianiste Edouard Ravelomanantsoa passe vite à l’avant, surtout, à la fin du second titre lors d’une longue improvisation sur un poème de Joyce. Le rappel (Laura Perrudin chante “True Seed”, d’après William Blake), persévère dans ce sens. La harpiste y dévoile un travail riche et judicieux de percussions sur la harpe, de jeu sur les clés et le corps qui, tout en frappes et frottements, sort quelque peu l’instrument de sa stase, de toute la tradition séculaire qui l’entoure.
L’éclectisme des influences et des formations se retrouve dans la diversité des pièces et de leurs inspirations. Outre le champ littéraire anglais, Laura Perrudin propose ainsi un hommage à Debussy, un morceau sur les lumières bretonnes, et même une composition tirée d’un de ses rêves. Elle confiera avoir écrit “Lucioles de Jour” faute de pouvoir évoquer autrement la lumière sans cesse changeante de sa Bretagne centrale. Rassurons-la, elle en parle très bien… La « Cuisine profane de Debussy » témoigne, elle, d’un long travail de recherche sur les voix, auquel les entrées multiples du titre confèrent une teneur inédite.
Le syncrétisme jazz - pop - électro, l’originalité au carré de cette formation - harpe repensée et puissance de la poésie britannique - assurent une entrée en douceur dans l’univers de Laura Perrudin. Très marqués par sa voix, ses choix tant littéraires que rythmiques donnent l’« impression » d’une musicienne qui, au-delà des émotions du premier disque, trace son chemin, déterminée et en toute indépendance.