Sur la platine

Luca Ventimiglia en version courte

Deux disques râblés avec un vibraphoniste et électronicien extra-terrestre.


Luca Ventimiglia © Christian Taillemite

Deux albums arrivent coup sur coup et jettent une lumière particulière sur le musicien Luca Ventimiglia. D’origine italienne, le vibraphoniste qui aime tout autant manier les machines a su s’imposer dans deux collectifs parisiens en vogue, Coax d’abord, avec qui il a enregistré Fantasia Nel Dessert avec Simon Henocq. Et le collectif 2035, avec qui il avait participé à l’expérience de Fantôme avec Jean-Brice Godet. Deux disques coups de poing, courts et virulents, éclosent en ce printemps.

Luca Ventimiglia a commencé à apparaître parmi les noms de ces musiciens qui reviennent cycliquement dans les projets en cours et avancent à grands pas de Fantôme : éthérés et cristallins. Where is Mr R ? est davantage à classer dans la seconde catégorie, même si son vibraphone insatiable n’est pas le seul fauteur de trouble : sous l’égide du Collectif 2035, qui organise une nouvelle génération d’esprits frappeurs en région parisienne, dont Ventimiglia ou Morgane Carnet, c’est avec le batteur Augustin Bette et le saxophoniste alto Basile Naudet qu’il s’engage dans un court disque coup de poing. On connaît le second pour sa participation au Surnatural Orchestra ; on découvre le premier, batteur râblé à fleur de peaux. En deux morceaux d’à peine un quart d’heure, 18 Luglio développe une musique âpre, rocailleuse et résolument free où Ventimiglia et Naudet s’affrontent sans corps-à-corps, tout en angles nerveux et tranchants. Puissant et salvateur.

Avec Tribalism3, on est en terrain connu, ce qui n’empêche pas de recevoir sans ménagement la violente bousculade que nous offre le trio venu de l’outre-espace avec son second album. Ici, Ventimiglia dompte une électronique en surchauffe. April on Mars est comme la plus violente des giboulées : on a beau l’attendre, la voir monter, elle nous surprend par sa soudaineté. Avec la basse sèche d’Olivia Scemama qui fait tourner ses compagnons comme des toupies en orbite, cet orchestre membre du collectif Coax nous offre une musique rugueuse, hérissée d’épines et de boucles insistantes tenues par la batterie de Yann Joussein. Le disque ne dépasse guère les 25 minutes, mais on perçoit déjà une grande évolution par rapport à トライバリズム, à tel point qu’ils n’auraient pas pu, sans doute, constituer un seul et même album.

April on Mars évolue dans un propos qui assume parfaitement une électronique acide, bouillonnante, lorgnant vers des esthétiques sombres. Témoin la lente nappe électrique de « Peach » qui, avouons-le, est plus colérique que la copine de Super Mario. Il y a une puissance radicale dans ces deux albums, une direction qui sied au jeu de Ventimiglia, musicien qu’il faudra suivre avec grande attention.