Chronique

Mam’zelle Titou & Jazz de Gambe

Anima

Mam’zelle Titou (Isabelle Calvo) (voc, perc, comp), Noé Bécaus (viole de gambe, comp), Arnaud Bécaus (p, org, comp)

Label / Distribution : WildScat

Cet album qui respire la sincérité artistique ne peut se concevoir pour l’auditeur que s’il se résout à ne pas y chercher une quelconque référence.

Quel rapport entre le jazz et la viole de gambe si ce n’est une liberté d’interprétation commune. Mam’zelle Titou, nom scénique d’Isabelle Calvo, nous emmène tout d’abord dans des rencontres fortuites. Le chant qui au départ est récitatif se transforme peu à peu en litanie, le mariage avec le piano et la viole de gambe ouvrant une voie pour le moins originale. Les compositions sont partagées entre la chanteuse et les deux musiciens avec une ligne directrice dessinant en toile de fond des contrastes bienvenus, les ombres succèdent à la lumière et une revendication littéraire sous-jacente inscrit alors le style esthétique de l’album.

Le pianisme d’Arnaud Bécaus permet de libérer des schémas d’improvisation inventifs, son jeu instrumental s’envole vers des variations rythmiques en particulier dans « Le Bransle des lavandières » et « Anima ». La viole de gambe maîtrisée par Noé Bécaus, bien mise en valeur dans « Duerme Lobito (Intro) », fait ressurgir le poids historique et baroque de l’instrument.
« Aux larmes citoyens » dévoile une interprétation vocale s’orientant vers des gisements émotionnels : nous pourrions y trouver une certaine analogie avec l’univers de Catherine Ribeiro. Puis Mam’zelle Titou laisse libre cours à des interprétations où sa personnalité de chanteuse se dévoile avec plus de virtuosité ; les atmosphères contrastées de « Duerme Lobito » font preuve de recherches axées sur des couleurs où rapidement la souffrance succède à la suavité.
C’est alors que l’on mesure l’investissement noble de Mam’zelle Titou qui a le mérite de composer en hissant vaillamment la langue française vers une subtile exaltation comme dans « Éternel Amant », composition attachante qui libère des accents fougueux.

Cet album a tout pour ne pas aller dans une direction prévisible : nous n’y chercherons aucun étalage de virtuosité mais plutôt une ambiance impressionniste apparaissant dans le tumulte actuel du quotidien comme une bouffée d’oxygène salvatrice.

L’âme de Mam’zelle Titou, évoquée aussi bien dans les notes accompagnant l’album que dans son chant sublimé, surgit alors comme un acte de juvénilité dédié à une ferveur sonore. Une lumière intérieure s’installe.