Chronique

Maracuja

Mondo

Amina Mezaache (fl), Yoan Fernandez (g), Fabien Debellefontaine (sousa, fl), Jonathan Edo (perc) + Simon Deslandes (flh)

Label / Distribution : Autoproduction

Le fruit de la passiflore revient nous rendre visite, cuisiné par la flûtiste Amina Mezaache en version sucrée-salée. La recette est la même que pour le précédent album, basée sur une relation contrastée et joyeuse entre la flûte et le sousaphone de Fabien Debellefontaine, même si l’actuel membre de l’ONJ ne rechigne pas non plus à dégainer la flûte. Sur « Pife and Love », on en a l’exemple parfait, festif et joyeux, avec les percussions de Jonathan Edo pour mieux les départager et la guitare de Yoan Fernandez pour épicer le tout. Nous parviennent des fragrances de toutes parts : sud-américaines bien sûr, mais aussi africaines ou juste d’aucune origine contrôlée ; certes « Sete Estrelas », composition brésilienne, est là pour marquer le territoire avec une guitare maligne et colorée, mais Maracuja ne s’enferme pas.

La ligne droite avec le précédent album est certes là, mais il y a des toilettages, des choix plus légers, plus dansants, plus joyeux. La flûte de Mezaache, qu’on pouvait encore sentir influencée par des idiomes jazz, baguenaude maintenant en liberté totale. Pour Debellefontaine, nous le savions déjà capable de jouer sans attaches, comme il l’avait prouvé dans son 112 Brass Band. Celui qui se définit comme un multisicien joue au sein de Maracuja avec une certaine euphorie structurante, s’amusant à bâtir des chausse-trapes et des bifurcations soudaines pour ajouter un grain de folie supplémentaire (« Ouagalinha » où le numéro de duettiste avec la flûtiste est joyeusement bordélique).

Certes, ce n’est pas tout le temps l’euphorie chez Maracuja. Il y a des moments de nostalgie. Mais aussi toujours, comme dans « Chorinho Irracional » ou mieux encore « Lamento Sertanejo » de Gilberto Gil où Simon Deslandes se joint à eux au bugle, des instants dans les fêtes où l’on est pris d’un sentiment mélancolique qui ne dure pas. C’est un état d’esprit que Maracuja traduit à merveille, avec un sens de la nuance qui parcourt tout l’album. Mondo est un disque coloré et joliment folâtre, servi par la belle écriture d’Amina Mezaache. Dans une période de froidure et de triste prophylaxie, c’est un remède idéal. Mieux que ça : nécessaire.

par Franpi Barriaux // Publié le 22 novembre 2020
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