Chronique

Matthieu Marthouret Bounce Trio

Contrasts

Matthieu Marthouret (org, Moog, kb), Toine Thys (ts, et clb), Gautier Garrigue (dms), Serge Lazarevitch (g).

Label / Distribution : We See Music

Contrasts est le quatrième album du pianiste, organiste, claviériste et compositeur Matthieu Marthouret en tant que leader, après Playground (2009), Upbeats (2012) et Smalls Streams… Big Rivers (2014). C’est aussi le deuxième enregistré avec son Bounce Trio, pour l’occasion augmenté du guitariste Serge Lazarevitch.

Rappelons que l’histoire de cette formation a commencé sur scène en 2012, à la faveur d’un concert dans un club parisien. Le pianiste avait profité de l’occasion pour réunir deux musiciens avec lesquels il travaillait ponctuellement depuis plusieurs années et partageait de fortes affinités humaines et musicales : le saxophoniste Toine Thys et le batteur Gautier Garrigue. L’alchimie ayant tout de suite opéré, tous trois ont décidé de poursuivre l’aventure en constituant une formation inédite : c’est le début de l’aventure du Bounce Trio, qui deviendra de fait un véritable groupe. Et depuis deux ans, le trio a multiplié les rencontres avec le public, donnant une cinquantaine de concerts dans de nombreux clubs ou festivals, un peu partout en France mais aussi en Belgique, Allemagne ou au Luxembourg… De quoi étoffer son répertoire et faire de belles rencontres, comme celle du guitariste Serge Lazarevitch, concrétisée par une première tournée en octobre 2015, avant que ne se fasse jour l’idée de retourner en studio pour y graver un album.

Contrasts est dédié aux « victimes innocentes de par le monde », au premier rang desquelles celles des attentats de janvier et novembre 2015 à Paris. Deux compositions y font référence explicitement : « It Should Have Been A Normal Day » et « Innocent Victims ». Le disque fait également la place à deux reprises : « Kind Folk » de Kenny Wheeler et, traduisant l’esprit d’ouverture du jazz de Matthieu Marthouret et sa volonté de franchir « les frontières poreuses entre le jazz et le rock », « Shine On You Crazy Diamond » de Pink Floyd. L’album est ponctué à quatre reprises de courtes improvisations comme autant de respirations destinées à rappeler l’importance du temps présent, des instants précieux qu’il faut savoir capter.

Mais surtout, ce qui attire d’emblée l’attention à l’écoute de Contrasts, c’est la diversité des climats instaurés tout au long des douze compositions – auxquelles on peut ajouter les quatre d’un EP présentant entre autres deux reprises de Thelonious Monk et Wayne Shorter – , une richesse mise en lumière par les couleurs changeantes des claviers de Matthieu Marthouret (orgue et Moog principalement). Il y a bien sûr le caractère méditatif, presque introspectif, des deux thèmes nés des attentats de 2015, de « Shine On You Crazy Diamond » dans une version finalement assez proche de l’original, ainsi que « Keepin’ It Quiet » au balancement tranquille. À ces moments réflexifs s’oppose la jubilation aux accents funk de thèmes où l’on écoute avec un réel plaisir le son gourmand et malicieux du Moog et son esthétique sonore reflet des années 70. Ainsi en va-t-il de « Bounce One » ou « J.Z », dédié à Joe Zawinul, l’un des musiciens fétiches de Matthieu Marthouret. La belle mécanique du groupe, au sein duquel règne une cohésion heureuse, tourne alors comme une horloge et fait entendre une expression collective où les chorus occupent une place discrète, propulsée en souplesse par la batterie de Gautier Garrigue, toujours juste. On accordera une mention spéciale à « Bounce Ten », à son groove profond et à la superposition de ses claviers qui rappellent, s’il en était besoin, toutes les qualités d’agenceur sonore de Matthieu Marthouret. Ce dernier se présente par ailleurs comme un amoureux de la mélodie et des émotions que celle-ci peut véhiculer.

Contrasts est un disque au charme discret au contact duquel il fait bon passer un moment. Ce serait bête de se le refuser…