
Louis Sclavis, Benjamin Moussay
Unfolding
Louis Sclavis (cl), Benjamin Moussay (p).
Label / Distribution : ECM
Le compagnonnage entre Louis Sclavis et Benjamin Moussay fait aujourd’hui figure d’histoire (presque) ancienne. Il faut remonter aux… Sources en 2012 pour retrouver la première trace discographique d’une collaboration entre le clarinettiste et le pianiste. Sont venus plus tard Silk and Salt Melodies en 2014 et Characters On A Wall en 2019. On n’est donc guère étonné que ces expériences au sein d’un trio ou d’un quartet aboutissent aujourd’hui à Unfolding, quatrième rendez-vous, en duo cette fois, pour le compte du label ECM, sous la supervision (et la production) de son mentor Manfred Eicher. Et de fait, la marque de fabrique du label – frappée du sceau de l’épure et de l’instillation du silence entre les notes – est sans doute celle qui convient le mieux à un répertoire qu’on qualifiera volontiers de « jazz de chambre ». Les compositions, toutes originales, sont autant d’instantanés qui déploient [1] des paysages aux couleurs nocturnes, toujours entre ombre et lumière. Il est question ici de voyages, de contemplation et de suspension du temps. Il n’est pas question de traduire le fracas ou les urgences de notre monde, mais d’affirmer au contraire une volonté farouche d’en débusquer les beautés secrètes, en prenant le parti d’ignorer la course folle des humains. À ce grand et beau jeu, les deux musiciens endossent à la fois le rôle de guides pour nous tous et d’explorateurs au service d’une quête qui doit autant au jazz qu’à une forme de musique classique contemporaine, de nature impressionniste. Maîtrise des climats, attention portée à l’autre, sens de la narration, nécessaire retenue avant chaque envol, préservation de l’équilibre entre deux voix placées sur un pied d’égalité. Tout cela est dit en neuf étapes (six étant signées Benjamin Moussay, les trois autres de Louis Sclavis) qui écrivent un scénario dont la beauté formelle est une séduction de chaque instant. On écoute en retenant son souffle et en se disant que ce temps suspendu est décidément très précieux.