Chronique

Michel Bisceglia

Second Breath

Michel Bisceglia (p), werner Lauscher (b), Marc Lehan (d)

Label / Distribution : Prova / Culture Records

Malgré son titre, Second Breath est le troisième album de Michel Bisceglia. La communauté belgo-italienne produit d’excellents musiciens tels qu’Eric Legnini ou Fabrizio Cassol (on pourrait ajouter Adamo et ses 80 millions d’albums vendus de par le monde, mais bon…) et Bisceglia ne déroge pas à la règle. Après un album de standards, le pianiste présente huit compositions personnelles, rehaussées de Blue in Green, Footprints et Port of Amsterdam (pourquoi un titre anglais pour le classique de Jacques Brel ? Mystère).

Second Breath est à la fois varié et uniforme. Les thèmes passent des bribes de mélodies aux exercices rythmiques, ou encore à un Pegasi (Work Song) tout en accords qui ressemble au prélude de la première suite pour violoncelle de J.-S. Bach qui aurait été réduit à son essence. De là, le pianiste se lance dans des improvisations abstraites qui semblent se construire, non pas de façon linéaire, mais par couches successives. Sur le premier morceau, Neena, des phrases courtes et rapides se muent progressivement en discours mélodique plus étoffé, notamment autour des points de repère harmoniques que sont les changements de mode.

Si Footprints, avec son vamp de basse et une batterie relativement statique, s’approche d’un esprit funky entraînant (mais jamais lourd), sur les morceaux rapides Marc Lehan prend des airs de Tony Williams tandis que Werner Lescher est loin de n’être qu’un marque-temps. Les trois musiciens se font confiance, ils peuvent donc partir chacun de leur côté sans pour autant se perdre de vue : il n’est pas rare que pendant que deux instruments jouent sur deux tempos différents, le troisième ajoute des commentaires rubato jusqu’à ce que le trio se rejoigne, avant de se séparer à nouveau.

Cette approche fonctionne bien sur les compositions de musiciens de jazz (qu’elles soient de Wayne Shorter, Bill Evans ou Bisceglia lui-même), mais sur celle de Brel, on reste sur sa faim : quel rapport entre la longue introduction, le thème plein de trémolos (pas facile d’en retransmettre l’émotion) et l’improvisation abstraite qui s’ensuit ?

Le dernier morceau de l’album campe une mélodie évoquant la nostalgie des plaisirs simples face à un solo de piano qui, combiné à une pédale fournie par la basse, dégage une menace sourde, sans essayer de réconcilier ces deux éléments. Cette collision incongrue résume bien l’esprit explorateur de ce trio.