Move
Free Baile
Yedo Gibson (sax), Felipe Zenicola (b), João Valinho (dm).
Label / Distribution : Clean Feed
Après The City, voici le second album du trio Move initié par le saxophoniste brésilien Yedo Gibson (la naissance de ce groupe était annoncée dans nos colonnes en 2022).
Il s’agit d’un enregistrement à l’occasion d’un concert en 2023 au Oct-Loft Jazz Festival de Shenzhen. Cette ville du sud de la Chine se trouve toute proche de la frontière avec Hong-Kong ce qui donne une couleur toute particulière au titre du disque, Free Baile, qui peut être entendu comme un jeu de mots entre « free on bail » (liberté sous caution) et « baile » (qui en irlandais signifie maison ou ville).
Indéniablement, c’est de liberté qu’il est question ici : les trois lusophones développent un free jazz énergique, insolent et actuel, aux sonorités qui empruntent au Heavy Metal. Ça grogne et ça bruite, ça ultra sonne et ça découpe. On pense deux fois à John Zorn : par les techniques saxophonistiques de Gibson qui évoquent celles classifiées par l’Américain dans son Classic Guide To Strategy et par le son global du trio qui se rapproche de celui de Painkiller.
Ce qui frappe et étonne dans ce disque, c’est d’entendre un concert de free de notre époque avec un public nombreux (la pochette en témoigne) et des cris d’enthousiasme. Ce n’est évidemment pas un hasard si cela se produit en Chine et pas en Europe, et cela questionne. Parce que le free jazz est un thermomètre. Quelle est l’aspiration d’une population à la liberté ? Quand les gens en ont envie, ils vont l’acclamer sur scène. Si elle n’est plus une ambition, soit qu’on estime en avoir suffisamment, soit qu’elle n’intéresse pas ou plus, on s’endort sur son canapé devant Netflix.
Pour (re)prendre conscience de cela et de nouveau croire en « la merveilleuse fusion des possibilités humaines » (un des morceaux de l’album) , il est nécessaire d’écouter Free Baile.