Scènes

Ne pas mégoter, c’est aussi Garrett !

Kenny Garrett quintet au Théâtre du Cratère d’Alès


Le quintet de Kenny Garrett sur la scène du Cratère d’Alès

Le 7 février 2020, en partenariat avec Jazz à Junas, la scène du Cratère accueillait le saxophoniste Kenny Garrett. Si le quintet a repris plusieurs titres de l’album « Do Your Dance ! », dédié au trompettiste Marcus Belgrave et sorti en 2016, Kenny Garrett nous gratifia de quelques improvisations originales et démontra une nouvelle fois sa prédilection pour le live. Le public ne s’en plaindra pas.

Sur la scène du Cratère d’Alès, Kenny Garrett arrive déterminé. Il empoigne son sax alto et attaque d’emblée sur les accents toniques. Le phrasé fuse en une cataracte de notes percutantes imposant une technicité virtuose, rigoureuse mais fluide. Argumenté par la scansion d’une section rythmique bouillonnante, ce premier morceau se prolonge en une improvisation rageuse. Une colère d’autant plus stupéfiante qu’elle émane d’un musicien presque frêle, au corps d’adolescent cintré dans un petit costume sombre. Sans faiblir, la passion jaillit du souffle tonitruant de Kenny Garrett, tandis que nous retenons le nôtre.

Puis le cours du torrent s’apaise et le quintet se déploie dans des compositions qui font la part belle aux influences des grands aînés : John Coltrane bien sûr, Miles Davis évidemment, Wayne Shorter aussi… D’aucuns n’ont d’ailleurs pas hésité à placer Kenny Garrett dans la lignée de Coltrane. Ils ont en effet un point commun essentiel, sinon le seul : celui d’avoir joué avec Miles Davis. Kenny Garrett n’a jamais été meilleur qu’alors. Le « jeune lion » garde de cette expérience fondatrice le goût d’une rythmique puissante et charpentée, comme celles qu’affectionnait le trompettiste — « musclée comme un dos de boxeur », pour emprunter l’éloquente image de Laurent de Wilde  —, et bien comprise par le contrebassiste Corcoran Holt, le percussionniste Rudy Bird et le jeune et talentueux Samuel Laviso à la batterie qui accompagnent Kenny Garrett dans ce nouveau projet. Même le pianiste Vernell Brown imprime la cadence sans renier le batteur qu’il fut par le passé.

La musique se fait dansante aux quatre temps de la valse ou d’un cha-cha-cha, aux pulsations irriguées par l’Afrique ou mâtinées d’un beat funky. Kenny Garrett, facétieux, joue de son habileté et s’amuse dans les divers registres. Le public suit. Au rappel, il s’empare du clavier momentanément délaissé par Vernell Brown, reprend l’alto puis repasse au soprano avant d’adopter le tambourin de Rudy Bird, invite ensuite l’assistance à vocaliser en chœur le refrain de “Sing a Song of Song", l’un de ses titres-phares, et termine en slamant en boucle le nom de ses musiciens, toujours soutenu par les accentuations de Samuel Laviso. Lequel poursuivra la performance en soliste jusqu’à ce que ses baguettes prennent leur envol sous les ovations des spectateurs vitaminés par deux heures d’un jazz effervescent et d’un show bouillant dans le cratère alésien.