Scènes

Ben Wendel Seasons Band

Le groupe du saxophoniste et bassoniste canadien Ben Wendel était de passage au Millau Jazz Festival.


Ben Wendel Seasons Band

Pour sa 28e édition, le Millau Jazz Festival, parfaitement orchestré par une équipe aussi chaleureuse que compétente, a posé les tréteaux de la scène centrale dans les jardins à la française du remarquable Château de Sambucy.

Dans sa composition en 12 pièces intitulée « The Seasons », Ben Wendel ne fait pas référence au changement climatique annoncé même si, dès « January », la chaleur de sa musique a irradié les planches de Millau Jazz jusqu’à devenir torride en « April » dans un échange avec le batteur Kendrick Scott en hommage à Eric Harland. Par bonheur, les saisons pour Ben Wendel ne sont pas quatre mais douze, comme autant de duos engagés tour à tour avec quelques-uns des musiciens de la scène new-yorkaise, parmi les meilleurs. Enregistrées, diffusées et plébiscitées sur Youtube, ces performances ont contribué à l’accessibilité d’un jazz exigeant auprès d’une plus large audience.

Ben Wendel © Frank Bigotte

Ben Wendel, après avoir multiplié les saisons et divisé les douze duos en un quintette, adapta ses compositions au nouveau format plus propice à ses projets de tournées. Le pianiste Aarons Parks, le guitariste Gilad Hekselman, le contrebassiste Matt Brewer et le batteur Eric Harland font partie du voyage qui s’achève par l’enregistrement et la sortie d’un album — The Seasons — en octobre 2018. C’est cette formation, à l’exception d’Eric Harland remplacé par Kendrick Scott, que les spectateurs du Domaine d’O à Montpellier et du Millau Jazz Festival ont eu la chance d’écouter les 18 et 19 juillet derniers pour leurs deux seules dates en France. Le public montpelliérain emballé ayant raflé tous les CD du groupe à l’issue du concert, il ne restait plus rien aux Millavois !

La créativité pétillante de Ben Wendel porte l’ensemble et l’élégance de son écoute attentive révèle les musiciens qui l’accompagnent. Puis les dialogues s’engagent en toute liberté, ponctués par la reprise des thèmes solidement écrits et structurés, entraînants. La complicité entre le saxophoniste canadien et le guitariste israélien est de tous les accords. Gilad Hekselman et Ben Wendel parlent d’une même voix durant de longues phrases. Puis Hekselman s’évade et navigue dans ses arpèges avec une dextérité, un délié, une imagination proprement étourdissants.
“More fluid than Jeff Beck”, aurait ironisé Zappa - mais ce serait encore peu dire tant la virtuosité prend ici tout son sens. Ben Wendel s’en réjouit, se lance dans des fulgurances qu’Albert Ayler n’aurait pas reniées, se hisse sur la pointe des pieds pour nous décrocher une note inouïe dans les tons d’azur. Aarons Parks, échappé de Jam’s Farm, en contrepoint, trouve l’espace nécessaire à son propre discours bien que le Steinway ne restitue pas toutes les subtilités de son jeu sur une scène en plein air. A la basse, Matt Brewer nous gratifie de formidables envolées, aussi hallucinées que maîtrisées. Tandis que Kendrick Scott à la batterie extirpe de sa caisse claire des vibrations du tonnerre complètement inédites.

Avant le concert, Ben Wendel nous confiait sa crainte de voir la brise qui soufflait légèrement ce soir-là sur Millau emporter ses notes… L’ovation qui clôtura la soirée prouve qu’elles sont tombées dans de bonnes oreilles, mais aussi que dans la capitale du gant on sait applaudir à bon escient. Et finalement, le vent n’aura balayé que les inquiétudes de l’ébouriffant et non moins passionnant quintette Seasons Band.