Chronique

Nora Kamm

One

Nora Kamm (ts, fl, voc), Dharil Esso (dms), Ranto Rakotomalala (elb), Nicholas Vella (kb), Nguyên Lê (g), Paco Séry (dms), Salimata « Tina » Traoré (voc).

Label / Distribution : Duya Music

Profondément marquée par la découverte de Miles Around The World et de Kenny Garrett, Nora Kamm, la plus française des saxophonistes allemandes (Francfort-sur-le-Main), trace en toute quiétude mais avec une volonté digne des Amazones de la mythologie, le sillon bienfaisant d’un jazz fédérateur et transculturel. Ensoleillé, volubile, son projet One qui flirte allégrement avec un afro beat revisité prouve à quel point la mémoire de Fela Kuti continue d’irriguer la jeune génération.

Après avoir consolidé son jeu dans des collaborations particulièrement nourrissantes (Cheick Tidiane Seck, Émile Parisien), la saxophoniste, flûtiste et cheffe d’orchestre au caractère bien trempé a décidé de déposer temporairement ses valises dans une terre africaine à laquelle elle rend un hommage pour le moins athlétique, exprimant ainsi dans son premier album en leader tout ce qu’elle doit à une terre qui exerce sur elle une fascination sans mélange.

Ce « chemin d’amour » avec la musique africaine, qui prend place juste après l’expérience du trio Dreisam, trouve dans la rencontre avec le musicien camerounais Richard Etesse, un temps sideman de Manu Dibango, son point d’accomplissement. Les tournées à ses côtés en Côte d’Ivoire lui apporteront l’expérience d’une terre avec laquelle elle semble fusionner par tous les pores de sa sensibilité généreuse.

L’album est d’abord et avant tout une fête des sens où les guests, de Nguyên Lê à Paco Séry en passant par Cheikh Diallo, prennent un plaisir total à cette stimulante odyssée où lyrisme et vélocité s’accordent avec bonheur. Les dix vignettes généreusement bariolées proposées par Nora Kamm sont d’une efficacité redoutable. Le tempo est vif (aucune composition ne dépasse cinq minutes), les thèmes malins (« Chuku Chuku »), la basse de Ranto Rakotomalala grondante (« Flowing People »), les claviers de Nicholas Vella toujours utilisés à bon escient et l’étreinte des percussions (merci Dharil Esso) font de l’auditeur de ce disque addictif un captif consentant, paré pour l’abandon immédiat de toute inhibition corporelle. Une totale réussite.