Chronique

Félix Hardouin Quartet

Global Warning

Félix Hardouin (as), Lévi Harvey (p), Gabriel Pierre (cb), Jean Hardouin (dms), Hermon Mehari (tp)

Label / Distribution : Parallel Records

Musicien engagé ? Plus que jamais, avec Global Warning, sorti sur Parallel Records, Félix Hardouin se fait lanceur d’alerte pour convoquer un jazz de l’urgence, soufflant à pleins poumons pour sensibiliser l’auditoire aux travers d’une société à bout de souffle. Tels des swing doctors posant leurs pupitres au chevet d’un monde qui perd quelque peu ses repères, Félix et ses complices ont décidé de nous administrer un traitement de choc. Et puisque les sujets d’inquiétude ne manquent pas, du réchauffement climatique à l’épuisement des ressources naturelles, quel meilleur antidote que le groove sur vitaminé de Global Warning !

Fidèle à la formule de Max Roach qui voyait le jazz comme l’incarnation de la démocratie, Felix Hardouin, indifférent à toute position dominante, donne à ses compagnons une liberté totale pour exprimer leur virtuosité. Hommage non dissimulé à Sing a Song Of Song de son idole Kenny Garrett, Jo Do constitue une entrée en matière plus qu’honorable immédiatement suivie par un morceau abrasif qui crépite de la première à la dernière seconde, le bien nommé A Good Day Day, course folle vers les sommets qui donne le smile , comme disent les millenials : un morceau qui nous emballe au propre comme au figuré, comme pris dans un roulis de soli rollinsiens dont on ressort lessivé mais heureux.

Si le dialogue entre les frères Hardouin et le contrebassiste Gabriel Pierre s’avère on ne peut plus convaincant, c’est la puissance expressive du pianiste Lévi Harvey, jeune prodige du conservatoire de Paris, qui retient l’attention. Ce jeune homme cite Thelonious Monk avec un tel aplomb dans la dimension percussive de son approche rythmique, qu’on applaudit sa décision de quitter son Devon natal pour l’Hexagone. Son jeu habile et habité, toujours au bord de la rupture, fait songer au tempo diabolique que le pianiste Benito Gonzalez imprima, sept ans durant, dans la dernière formation de Pharoah Sanders. Quant au titre intercalé entre des sessions latino, péché mignon d’un leader qui se sent comme chez lui dans toutes les esthétiques, il n’a rien à envier aux grandes heures de l’Adderley sextet. Son thème efficace et malin permet au trompettiste érythréen Hermon Mehari d’apporter sa touche sur un album qui emportera l’adhésion d’un public averti aussi bien qu’il mettra dans sa poche les néophytes désireux de savourer un disque de qualité.