Chronique

EDS Trio

Sombre

Stéphane Sassi (p), Raphaël Commerçon (b), Vincent Géraud (dms).

Label / Distribution : Plaza Mayor Company / emi

Parmi toutes les formations dont le pianiste Stéphane Sassi fut l’élément fédérateur, du Confluent Big Band au Voutee More Quintet, le groupe EDS est sans doute celui qui a le plus durablement marqué les esprits. La reformation de ce groupe emblématique de la scène jazz du Sud-Ouest est donc une excellente nouvelle.

Hormis l’absence du saxophoniste Nicolas Grandjean, on retrouve la formation d’origine : Vincent Géraud à la batterie et Raphaël Commerçon à la basse. Tous ces musiciens, qui s’étaient fait les dents sur les reprises de Duke Ellington, Monk ou Herbie Hancock, profitent des compositions cousues main que Sassi leur a concoctées pour fêter leur retour en studio.

Sur Sombre, titre éponyme qui ouvre les festivités, l’ostinato de Stéphane Sassi sur lequel Vincent Géraud fait admirablement résonner ses cymbales et Raphaël Commerçon discrètement chalouper sa basse, instaure une atmosphère rappelant les envolées poétiques de Steve Kuhn ou de Bill Evans. À voir la parfaite maîtrise qui est la leur, on sent immédiatement que chez EDS (effet de serre), tout est fraîcheur, douceur, scintillement de notes cristallines et ouatées.

« Pharoa », clin d’œil au sideman historique de Coltrane, est une rumba délicieuse où la basse chaloupée de Vincent fait des merveilles, une approche latino qu’on retrouvera dans « La Sérénade de Richards » ,également composée par Sassi. « Ralliement », avec son ruissellement de notes d’inspiration debussyste, fonctionne à nouveau sur l’idée d’un thème simple et efficace. Décollage sans à-coup, stabilisation parfaite, turbulences négociées et atterrissage tout en douceur font de cette composition le sommet de l’album.

« Ondée » la bien nommée vient clore ce disque sans artifice, sur lequel on explore à tout va, tout en veillant à conserver un maximum de lisibilité. Vincent Géraud s’en donne à cœur joie, son jeu savamment déconstruit offre au pianiste un boulevard pour exprimer toute la hardiesse de son toucher percussif, tendre chaos dont sourd un beau bizarre qui force l’admiration et scelle avec brio les mérites conjugués de trois musiciens particulièrement aguerris. De l’ondée à l’Ondine de la légende, qui rêvait de passer la bague au doigt à l’amant de la mer avant de « s’évanouir en giboulées ruisselantes », il n’y a qu’un pas. On savoure comme des noces de platine ses retrouvailles avec un groupe en lequel il peut avoir toute confiance, se sentant bien parti pour la reprise d’une idylle sans nuages.