Chronique

Tomer Cohen

Not The Same River

Tomer Cohen (g), Matt Penman (b), Obed Calvaire (dms).

Label / Distribution : Hypnote Records

Basé à New-York, Tomer Cohen, jeune guitariste de 25 ans à l’allure souple et décontractée, tisse dans Not The Same River, son premier album au titre doux et vaporeux, un univers d’une irrésistible délicatesse. La citation d’Héraclite placée en exergue du disque illustre parfaitement la sagesse de ce jeune homme au regard décidé et l’intention régénératrice de cette musique aux incantations pastorales, qui n’a d’autre prétention que de nous faire décrocher quelques instants de nos empressements quotidiens.

C’est au conservatoire de Tel Aviv que Tomer a formé son goût pour l’improvisation musicale, et s’il se réclame du travail de Joe Pass, c’est de la dimension picturale des albums de Bill Frisell qu’il reconnaît avoir subi l’influence, tout en forgeant une sonorité bien personnelle mêlant le médiator et le finger picking, tout en contrepoints et réverbérations (« Sunrise »). Muni d’un solide bagage théorique, allant de Charlie Christian à Wes Montgomery, Tomer Cohen peut se permettre de naviguer à son gré dans un nuancier de sonorités délicates qui suggère plus qu’il n’impose par petites touches lancées à la volée, en pointilliste consciencieux trouvant dans les cordes de sa Gibson le plus sûr des pinceaux.

Appuyé dans son projet par des valeurs sûres de la scène new-yorkaise, il laisse à Obed Calvaire (batteur d’origine haïtienne qui rayonne en big band avec Wynton Marsalis et en petite formation avec Dave Holland) et au bassiste néozélandais Matt Penman toute latitude pour emprunter des territoires inconnus, en leur aménageant des pauses et des espaces salutaires, concept qu’il est parti chercher selon ses propres dires dans la musique de Coltrane et Rollins.

Ajoutez à cela son attachement profond à la musique folk israélienne (« Probably More Than Two ») et vous obtiendrez la formule qui fait de cet album envoûtant d’un compositeur à l’étonnante maturité, adepte du less is more, une petite pépite à passer en boucle pour se reconnecter aux forces élémentaires.