Chronique

Norah Jones

Day Breaks

Norah Jones (p, voc), Brian Blade (dm), Wayne Shorter (ss), Chris Thomas (b), Dr Lonnie Smith (org), John Patitucci (b), + divers musiciens indiqués dans les notes.

Label / Distribution : Blue Note

Norah Jones a plutôt bien réussi à se distinguer de toutes ces nouvelles stars du jazz vocal qu’on tente de nous refiler tous les six mois. Les exceptions, nous les connaissons, elles ont nom (par exemple et pour aller vite) Youn Sun Nah ou Cécile McLorin Salvant. Et je mets dans un espace réservé un peu à part une artiste comme Susanne Abbuehl, évidemment. Mais le but de cette chronique n’étant pas de faire une énumération de ce qu’il faut écouter ou fuir, venons en au fait.

Ce disque est un modèle de production à l’américaine, et à ce titre il pourra irriter, ou séduire. Le but est de séduire, en tous cas de faire acheter le disque et les places de concerts de la tournée d’octobre et novembre (concerts à Paris, Bordeaux et Lyon). Pour en arriver là, tout a été calculé au détail près : le retour de Norah au piano (elle est très bonne pianiste), les petits détails sur sa vie personnelle nocturne (elle se levait pour nourrir son bébé et composait en même temps neuf des douze « songs » de l’album), le choix judicieux des chansons (du jazz, de la country, des balades, des airs à danser), les références dans chaque domaine (Duke Ellington, Horace Silver, Neil Young). Et ça se renforce quand il s’agit de trouver des complices, puisqu’ils ont nom Brian Blade (omniprésent et dieu merci !), Wayne Shorter (assez présent et excellent dans un registre compliqué pour lui), mais encore John Patitucci et j’en passe, car les musiciens recrutés pour les chansons « country » sont remarquables.

Au bout du compte, l’irritation devant tant de professionnalisme finit par céder. Chez moi en tous cas, c’est clair, et depuis assez longtemps concernant la fille de Ravi Shankar. Bien sûr que la reprise de « Fleurette Africaine » de Duke Ellington (session avec Mingus et Max Roach) qui arrive en douzième et dernière position est là pour vous faire craquer. Norah Jones joue le thème au piano, elle le murmure sans vraiment le chanter, Wayne Shorter en profite pour dérouler un superbe solo, très étonnant, on entend Brian Blade à la fois très présent et très discret, et voilà, on en pleurerait presque. Mais quel amateur de jazz sérieux (c’est à dire partisan des séries) et en même temps sensible (c’est à dire qui accepte de se faire avoir) pourrait résister ? Moi je ne résiste pas, et ce disque, contrairement à beaucoup d’autres, va tourner sur ma platine pendant un certain temps. Et puis je l’oublierai pour pouvoir un jour le redécouvrir. Et le réévaluer.