Chronique

Oddjob

Folk

Goran Kajfeš (tp), Peter Forss (b), Per “Ruskträsk” Johansson (saxes, cl, fl), Daniel Karlsson (p), Janne Robertson (d)

Label / Distribution : Caprice

En quelques années, Oddjob est devenu l’un des fers de lance du jazz de Scandinavie, où le groupe rafle régulièrement des prix soulignant la vitalité d’une musique riche et inspirée par des concepts forts. Après avoir revisité les thèmes des films de Clint Eastwood dans Clint, après Jazzo, disque pour enfants en 2015, et avant leur récent hommage à Weather Report, le quintet a publié Folk.

Si ces sept titres recèlent la force évocatrice d’hymnes, c’est grâce à leur ancrage. C’est en effet à partir de musiques et mélodies ayant forgé la culture musicale et le patrimoine suédois, compilées par le Centre de recherches suédois pour les musiques folkloriques et le jazz, que Oddjob a donné naissance en 2015 à ce « nouveau » répertoire, qui excave les sons du passé. Ceux d’instruments anciens (flûtes en bois ou en corne), ceux de la nature (chants d’oiseau) et ceux de l’homme (voix de bergères appelant leur troupeaux dans des kulning, getlock ou kauke, ces vocalises traditionnelles entre cris et chants saccadés) qui ouvrent la plupart des morceaux.

La réussite du disque réside dans la phase située plus près de nous sur la frise chronologique : la réécriture. La transfiguration de ces thèmes pastoraux sonne comme s’ils avaient été écrits au présent. Habités par des musiciens contemporains et non par une nostalgie floue, en sépia. Pour preuve, cette pochette en noir et blanc, graphique, tranchant avec le passé.

Les ritournelles de Per “Ruskträsk” Johansson aux saxophones, clarinettes et flûtes ne feraient pas autant de bien à nos tympans si elle n’étaient secondées par un tandem rythmique dynamique et entêtant et par le piano espiègle de Daniel Karlsson. Habillages soyeux, charme paisible des chorus, transitions d’une beauté ascensionnelle comme les paysages qui les ont inspirées, et la trompette de Goran Kajfes, qui évite tout solo orgueilleux sur ces thèmes appartenant à la mémoire collective.

Oddjob est simplement doté d’un talent particulier : savoir transmettre. En témoigne le succès toujours actuel du précédent opus, Jazzoo, récompensé par le grand prix de l’Académie Charles Cros, dont ils ont tiré un film d’animation homonyme pour enfants en collaboration avec l’illustrateur britannique Ben Javens. Il était en février 2017 en compétition à la Berlinale, festival du Film de Berlin. Le jazz comme créateur d’images, un langage au-delà du verbiage.