Chronique

Oscar Peterson

Unmistakable

Oscar Peterson, décédé en 2007, « reprend le chemin des studios » le temps d’un disque très particulier, Unmistakable. Une œuvre posthume sur laquelle il est pourtant bien et bien là, toujours aussi tonique, et qui contient huit thèmes dont quelques inédits. Un solo reprenant des morceaux des années 70 et 80 et qui, selon ses producteurs représenterait une prouesse tout autant technique que musicale. Explication.

A l’écoute, donc, c’est bien Oscar Peterson. Au sommet de son art, en pleine possession de ses moyens : le pianiste canadien qui donnait tant l’impression, surtout en solo, de survoler son clavier, main droite véloce, invisible, main gauche folâtrant en toute indépendance. Se jouant des difficultés, capable des plus grands contrastes au gré de ses humeurs, qu’on savait folâtres.

Alors ? Pour une fois, ce disque n’est pas le fruit d’une séance d’enregistrement ou d’un seul concert. En fait, ses concepteurs sont allés fouiller dans sa discographie (200 disques au bas mot) puis, se basant sur un de ses rares albums solo (My favorite instrument), ont sélectionné huit pièces enregistrées dans les années 75-80 en trois lieux différents : à l’Eastman School de Rochester de New York, à Munich, plus un thème fourni par une chaîne de télévision.

C’est d’abord un énergique « Body and Soul », puis un « Back Home Again in Indiana » inédit, « The Man I Love », « Who Can I Turn To » (inédit aussi) et « When I Fall in Love ». Le reste est un medley de thèmes connus de Duke Elligton (« Con Alma », « Caravan », « Satin Doll » etc.) et se conclut par un très beau « Goodbye (Benny Goodman) ». Voilà pour la première partie.

Mais la surprise de l’album provient de la seconde et demande une écoute attentive : aidés de la veuve de Peterson, les concepteurs d’Unmistakable ont dupliqué informatiquement les mêmes huit morceaux sur un Bösendorfer (son piano de prédilection) très finement accordé. Pour cela, tous les paramètres musicaux, mécaniques et physiques des enregistrements d’origine ont été numérisés via un processus midi ultra perfectionné (appelé « ZENPH »), qui permet à un piano de concert de les rejouer seul, en 2011, exactement comme Oscar Peterson les a interprétés. On obtient ainsi un nouvel enregistrement en son surround binaural, sur une vingtaine de canaux numériques haute définition. L’enregistrement a eu lieu aux studios d’Abbey Road à Londres.

On laissera au « petersonphile » le soin d’apprécier ce travail de restitution et de comparer les deux versions, celle enregistrée live et pieusement conservée sur une étagère durant trente ans, et celle-ci, éditée grâce à la magie du numérique.