Chronique

Pablo Campos

People Will Say

Pablo Campos (p, voc), Peter Washington (b), Kenny Washington (d)

Label / Distribution : Jazztime Records

Pablo Campos, jeune pianiste chanteur souvent comparé à Nat King Cole, qu’il révère, a franchi l’Atlantique pour recruter une paire rythmique d’exception, le batteur Kenny Washington et le contrebassiste Peter Washington (Jazz Messengers, Dizzy Gillespie, Milt Jackson, Tommy Flanagan, Benny Golson… excusez du peu). Ces deux frères musicaux, qui ne sont pas issus d’une même génitrice, créent l’accompagnement idéal pour l’aspirant maître chanteur pianiste, lui permettant d’avoir une assise ô combien swing pour déployer son talent de storyteller (pédales et breaks redoutables d’efficacité). Par leur sens de la nuance, notamment, ils appuient les ambivalences du leader, dont une part sombre émerge alors même que le propos d’ensemble est plutôt lumineux. Ajoutons un guitariste d’exception avec lequel il se plaît à dialoguer sur quelques titres : n’en jetez plus, le tableau est complet !

Un profond sens du blues irrigue furtivement le disque, que ce soit sur le thème « No More », une chanson de rupture interprétée par Billie Holiday en 1944 (un hymne féministe avant l’heure, que l’on a pu aussi appréhender comme un manifeste de fierté noire) ou encore sur sa propre composition « Washington Heights » - un hommage à sa section rythmique, en même temps qu’au quartier new-yorkais. En cultivant ainsi ce signifying (double sens) typique de l’esprit de résistance véhiculé par le jazz - et trop souvent ignoré de nos jours -, Pablo Campos redouble d’authenticité. D’autant plus qu’au piano, c’est un as : block-chords d’une efficacité groovy à souhait, idiomes d’improvisation conjuguant élégance et fulgurance. Vivement le prochain !